Témoignage de :

Lettre à mes parents retraités

10 septembre 2021

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Mes parents bien aimés, Je vous écris cette lettre pour vous dire toute ma peine. Toute mon enfance, j'ai côtoyé des exemples : Papi, franc-tireur partisan, une vie entière d'ouvrier à refuser toute promotion pour pouvoir continuer à utiliser ses mains d'or. Mamie, jeune espagnole un peu fofolle, la mitraillette en bandoulière sur les quais du port. Toi, Papa, le syndicaliste, l'anarchiste amoureux de Ferrat, Ferré, Hugo, Saint-Just et Robespierre. Toi Maman, fille de l'école normale, à l'écriture parfaite, dont ton vieil exemplaire jauni des paroles de Prévert est devenu le livre de chevet de ta petite-fille.

Alors qu'aujourd'hui le monde devient fou, vous me dites que c'est moi qui devrais aller voir un psychologue, qui devrais me faire aider. Vous me racontez sans sourciller vos dernières séances de cinéma, combien il est agréable de faire ses courses dans un magasin clairsemé, votre rentrée prochaine au club de gym, à l'atelier de peinture. Vous répondez à votre petit-fils, qui vous appelle au téléphone écœuré de devoir abandonner ses entrainements de foot, que ce n'est pas grave, qu'il pourra toujours continuer à y jouer dans notre jardin.

Oui, Le monde s'écroule, et avec lui, mon monde, ses représentations, ses certitudes, celui que je nous imaginais porter à bout de bras. Les mots suivants sont durs, mais je veux les prononcer. Je me sens symboliquement doublement orphelin : de la République pourrie d'intérêts particuliers, et de l'éducation populaire dont j'ai été pétri. Comme dans l'Ecclésiaste, j'aurais espéré un discours de sagesse et d'indignation, qu'aucune illusion de sécurité sanitaire ne valait les violences infligées aux actifs et à la jeunesse de ce pays ; vos enfants et petits-enfants.

Votre fils qui vous aime,

Fabrice

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