Témoignage de :

Première injection

21 décembre 2021

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Hier, j’ai cédé au chantage des tripatouilleurs de chiffres, des faiseurs de lois et des tambouilleurs de décrets. Je fais désormais partie de la juteuse clientèle captive des lobbies pharmaceutiques.

Cela pour qu’on me concède le droit d’aller retrouver ma marraine, perdue dans sa maison de retraite à huit cents kilomètres. La vieillesse a presque achevé de lui enlever la vue, bien attaqué l’audition et la laisse isolée dans son EHPAD comme un Robinson de cent deux ans sur son île. Elle ne sort plus dans le jardin avec son fidèle déambulateur. Même pour ses déplacements à l’intérieur, elle vient de faire connaissance avec le fauteuil roulant.

Jour après jour, elle m’envoie sur le fil du téléphone les bouteilles à la mer de ses souffrances, de ses gratitudes, de son désir que cela finisse, et, de plus en plus, les plaintes de son impuissance. Les jours où elle entend la sonnerie du téléphone s’espacent. Dans la voiture embuée dont le chauffage vient de tomber en panne, je ressens toute la dureté d’être obligée de passer sous les fourches caudines d’affabulateurs obnubilés qui s’accrochent à faire réussir l’escroquerie du siècle. Se faire vacciner est le prix à payer, maintenant, pour qu’ils autorisent ce geste si simple : tenir l’espace de quelques jours, de quelques heures, la main de celle qui m’a portée sur les fonts baptismaux.

Après la mort de ma mère, elle m’a aussi soulevée à pleins bras sur des flots de Scarlatti, de Bach, de Chopin, par la grâce de son piano, par l’alchimie de toute une vie de discipline musicale, par la force de son amour.

Une bureaucratie attentive a organisé le vaccinodrome, vaste espace morne, avec des chemins de barrières grises et des distanciations calculées. Elle a jalonné ces circuits de préposés affables, incolores et sans chaleur, pour vous indiquer l’étape suivante. Un homme qui respire la gentillesse naturelle et joyeuse s’avance comme une étoile du berger au milieu d’astres morts pour vous faire asseoir à la table où l’on signe le formulaire d’extorsion du consentement. « Le médecin de la ligne un, » une dame courtoise, bien sanglée dans son rôle sanitaire, soutient de sa supériorité diplômée le dogme officiel. Elle m’assure que les systèmes immunitaires, même aussi fantaisistes que le mien, n’ont rien à craindre de ce « vaccin. » Si elle le croit, grand bien lui fasse.

Quant à moi, je n’arrive toujours pas à concevoir en quoi ce bout de génome viral qui va me transformer en une mini-usine de production de spike peut s’avérer protecteur pour moi.

Comment un corps qui vient de produire une substance s’y prend-il pour la reconnaître ensuite comme un élément étranger hostile ? Ce n’est pas le médecin de la ligne un qui répondra à mon interrogation. Je n’ai qu’à la mettre dans ma poche avec mon mouchoir par-dessus.

Elle me précise qu’avec le certificat de première vaccination je n’aurai pas le droit de fréquenter les restaurants, ce qui m’indiffère à peu près autant que le droit de regarder la télé. L’incompréhension mutuelle frise la perfection. Pour confirmer cet état de choses, je lui réponds que j’ai bien compris : je ne pourrai passer le seuil d’un EHPAD qu’après la seconde injection.

Après la piqûre, vous êtes invité à vous asseoir un quart d’heure en attendant qu’on vous dise de partir. Tous les vaccinés se taisent, tassés derrière leurs masques. Pas de crise d’allergie ou d’épilepsie en vue, c’est déjà ça.

Pas d’enfants non plus, c’est encore mieux.

Mon esprit vagabonde au-dessus de ma chaise. Le jour où le bruit a couru que la division Das Reich était en train de remonter vers Oradour, les adultes de mon village avaient emmené les enfants et les vieillards dans les bois avec des paniers de cerises. Toutes proportions gardées, quand un rat de ministère pérore : « les non-vaccinés, on va leur faire une vie de merde » et quand un autre répond à un homme dont l’épouse, après avoir reçu en toute confiance le viatique vaccinal, s’est trouvée atteinte de sclérose en plaques «on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, » le degré de désempathie a largement atteint la cote d’alerte, il est plus que temps d’écarter les enfants de la route des hommes-système.

Bon. On me dit de m’en aller, je m’en vais. Arrivée à la maison, en guise de contrepoison et de remontant, je me prescris une ordonnance de lumière. J’arrange une guirlande de mini-leds de toutes les couleurs dans un bocal. J’allume, et voilà toute une galaxie d’étoiles rieuses ! Comme elles ont des allures d’étoiles filantes, si je veux, je peux même faire des vœux en plein hiver pour la libération de tous les prisonniers.

 

Catherine Saint-Guily

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