Aujourd’hui la répartition des richesses se fait assez schématiquement entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud. La terre comporterait donc une petite moitié boréale développée, où vivent moins du quart des habitants de la planète, tout en pléthore, malade de ses surplus et une grosse moitié australe, bien moins développée, bien plus peuplée, mais encore tout en carence et souffrant toujours de besoins élémentaires insatisfaits notamment en termes de nourriture, d’accès à l’eau potable, à l’éducation, à l’hygiène et à la santé. Bien que cette situation soit parfaitement connue depuis des années et malgré les conférences mondiales qui se succèdent dans le cadre de l’OMS, la situation perdure et a même tendance à s’aggraver dans certaines régions. » (Ces données sont de Marc Gentilini, recueil de Médecine tropicale)
Au Nord prédominent les maladies cardiovasculaires, avec au premier plan les infarctus du myocarde, les accidents vasculaires cérébraux, puis les maladies prolifératives comme le cancer, et les affections dégénératives souvent liées au vieillissement comme l’arthrose et
la maladie d’Alzheimer. Les principaux facteurs de risque sont représentés par les maladies de surcharge souvent associées à la sédentarité, comme l’obésité, l’athérosclérose, l’hypertension artérielle ou le diabète de type 2. On observe donc que cette épidémie de Covid 19 est très loin d’être au premier plan des causes de létalité. Parmi les autres facteurs de risques importants on trouve les syndromes dépressifs, la consommation d’alcool et de tabac, l’hypercholestérolémie, les déséquilibres alimentaires, comme les excès de consommation de graisses animales, de sel et de sucre et l’insuffisante consommation de fruits et de légumes. L’obésité est en train de devenir une épidémie à l’échelle du monde entier et elle est responsable de près de dix pour cent des décès dans les pays riches. L’alcool serait responsable de près de trois millions de morts par an dans le monde, soit une mortalité plus élevée que la mortalité liée au SIDA. En France on enregistre 40 000 décès par an attribués à l’alcoolisme (pour comparaison, en France aujourd’hui le sars-cov 2 a provoqué le même nombre de morts en dix mois) et à l’échelle mondiale la jeunesse est particulièrement exposée à ce risque : 320 000 jeunes de 15 à 29 ans meurent chaque année d’une cause liée à l’usage nocif de l’alcool, soit 9% de leur classe d’âge. Il nous faut donc relativiser les choses et rester lucides quand nous nous focalisons sur un seul virus le sars cov2.
Au Sud, les principales pathologies étaient jusqu’à maintenant représentées par les maladies transmissibles parasitaires, bactériennes et virales comme le paludisme, la rougeole, les méningites aiguës, la tuberculose, la bilharziose, la lèpre, les filarioses. S’y ajoutaient les carences alimentaires liées aux famines ou à la malnutrition, comme les carences vitaminiques, le marasme, la kwashiorkor. S’y ajoutent enfin les pathologies liées à l’insécurité, à la violence urbaine ou au terrorisme et aux catastrophes naturelles comme les tsunamis et les tremblements de terre. Pour toutes ces raisons la mortalité en Afrique est sans commune mesure avec celle due à la Covid 19. Et même, paradoxalement, cette pandémie a assez peu touché le continent africain, pour des raisons diverses, mais qu’il serait utile d’analyser.
Jusqu’aux années 80, on pouvait donc opposer très schématiquement le Nord et le Sud, mais ce tableau manichéen ne correspond plus du tout à la réalité aujourd’hui. La situation est en plein bouleversement, à cause de phénomènes tels que la crise économique et financière au
Nord, l’importance des déplacements de populations dans le cadre de la mondialisation ou de l’industrialisation et l’urbanisation anarchique, rançon du développement. On assiste donc à une augmentation importante de l’incidence de maladies devenues cosmopolites comme l’hypertension, le diabète et même l’obésité, ces maladies qui sont justement les principaux facteurs de gravité en cas de Covid 19.
En considérant toutes ces contradictions qui perdurent ou même s’aggravent, malgré quelques beaux succès, comment peut-on encore croire des dirigeants du monde entier, de l’OMS et de nos pays, qui depuis un demi-siècle au moins, au fil des conférences (Alma Ata 1978, Objectifs du Millénaire pour le Développement) prétendent sans cesse prendre leurs décisions dans le souci de notre santé à tous, et principalement chez nous celle des personnes à risque et des séniors ? Des séniors qui d’ailleurs et souvent n’ont rien demandé, souhaitant seulement vivre au mieux le temps qu’il leur reste à vivre, continuer d’avoir une vie relationnelle, voir leur famille et leurs amis, avoir diverses activités sociales.
Contrairement à ce que j’entends dire maintenant, je crois que ce n’est pas uniquement d’un éventuel vaccin que viendra le salut, puisqu’après ce virus il y en aura d’autres, ou d'autres variants, plus ou moins contagieux, plus ou moins graves, ou même de l’obtention d’une immunité collective, mais surtout, à mon idée, d’une autre façon d’appréhender les questions de santé et de maladie et donc d’un changement radical de notre façon de vivre, de faire du sport, de nous alimenter, de travailler, de concevoir l’économie et la vie en société, ainsi que le partage des richesses sur notre planète. Dans toute cette affaire, c’est encore la mythologie grecque qui nous fait réfléchir, je pense à Prométhée. La nature est et restera toujours là, présente, elle gardera ses droits, ses lois. Certes je crois au progrès, notamment en médecine, mais il doit être tempéré par l’humilité, le respect de la vie, de l’esprit comme du corps, la prudence et l’intérêt général, c’est-à-dire la justice et l’harmonie dans notre société. Il ne peut être la fuite en avant générée par l’appât du gain et le goût du pouvoir et pour finir l’orgueil démesuré d’une infime minorité de personnes richissimes. Est-ce un rêve ?
* « …Le sage n’a besoin que d’une chose, mais essentielle, de la grande santé —une santé qu’il ne suffit pas de posséder, mais qu’il faut sans cesse conquérir et reconquérir, puisqu’il faut sans cesse la risquer et la remettre en jeu. » F.N.
« Que tu me procures de la souffrance ou de la joie, Je t’aime, la vie, avec ton bonheur et ta peine. Et si tu dois m’anéantir, en te quittant, je souffrirai comme quand l‘ami s‘arrache au cœur de l‘ami » (F. N. L’hymne à la vie)
Marc Leclerc du sablon
Novembre 2020