On pensait que la chasse aux comploteurs restait le privilège des journalistes paresseux, en manque d’inspiration, et pressés de traiter un thème en adéquation avec l’air ambiant. A ce titre, le Canard Enchaîné paraissait échapper à la triste mode qui sévit aujourd’hui.
Mais c’était sans compter sur l’un de ses journalistes vedettes : Christophe Nobili qui n’a pas hésité pas à descendre en flammes France Soir et son directeur Xavier Azalbert dans un article de l’hebdomadaire (20/01/2021).
Rappelons tout de même que Nobili, vaillant et courageux enquêteur qui contribua aux révélations de l’affaire Fillon dans l’hebdomadaire satirique, fut accusé avec la rédaction de l’époque d’avoir opportunément sorti l’affaire en pleine campagne présidentielle pour torpiller la candidature de celui qui s’annonçait comme l’un des grands favoris à l’élection.
A cette occasion, de nombreuses voix s’étaient élevées pour dénoncer le complot dont l’hebdomadaire se faisait - selon eux - le relais peu scrupuleux. C’est qu’il ne faut pas oublier en effet une chose : si la protection des sources est bien évidemment un pilier de la liberté de la presse et l’un des fondements de la démocratie, elle engendre cependant nécessairement et logiquement une contrepartie moins agréable : la théorie du complot.
Comme le rappelait en effet Frédéric Lordon, citant Spinoza : « Vouloir tout traiter en cachette des citoyens, et vouloir qu’à partir de là ils ne portent pas de jugements faux et n’interprètent pas tout de travers, c’est le comble de la stupidité. »
Ainsi, et au lieu de s’attaquer à l’aporie essentielle du secret des sources, Christophe Nobili essaye manifestement d’évacuer, à peu de frais, les turpitudes qui ne doivent pas manquer de le déranger.
Car après tout, que ce serait-il passé si un autre président - François Fillon – avait été élu en lieu et place de l’actuel chef de l’Etat ? Dit autrement : quelle est la part de responsabilité de Monsieur Nobili dans la dictature sanitaire qui est menée aujourd’hui en France après le torpillage (à tort ou à raison) de l’élection présidentielle ?
Angoissante perspective qui veut ainsi qu’un journaliste accusé d’avoir lui-même comploté pour faire basculer une élection présidentielle doive se lever tous les matins dans une dictature techno-sanitaire pour laquelle il est impossible de nier qu’il ait une part de responsabilité. Après tout il existe aussi d’autres réponses politiques que celle entérinant la suspension de l’Etat de droit au profit d’un régime d’exception permanent, et rien ne prouve qu’une personnalité politique différente n’aurait pas choisi un chemin distinct que celui actuellement emprunté.
Dès lors, le ralliement de Monsieur Nobili aux thuriféraires de la parole gouvernementale ne faisait guère de doute. Et donc de dénoncer lâchement les opposants du discours officiel comme des partisans de la théorie du complot.
Avec Christophe Nobili, la lecture de l’hebdomadaire satirique prend une étrange saveur que l’on n’était pas habitué à ressentir en lisant le Palmipède : celle du Canard Laquais.
C’est donc tout en finesse psychiatrique que l’on plonge – dès le titre - dans l’article : « A France Soir la machine à délires s’emballe ». A quoi l’on pourrait rétorquer, usant du célèbre esprit de contrepèterie volatile, que manifestement au Canard la « machine déballe sans lire » …
Au prix évidemment de quelques contradictions que l’auteur peine à dépasser. Selon l’adage bien connu de la paille dans l’œil du voisin effaçant la poutre béante ressortant du sien, Monsieur Nobili fustige ainsi France Soir à cause « des collaborateurs recrutés par mail pour la plupart anonymes ». On imagine bien que l’informateur du Canard qui a fourni le dossier Pénélope Fillon au journal s’est évidemment présenté avec sa carte d’identité au siège de l’hebdomadaire avant d’aller faire une selfie, entouré des journalistes de la rédaction, et de la partager sans attendre sur les réseaux sociaux.
A une époque où le conseil de l’Ordre s’abat de façon particulièrement violente sur la liberté des médecins – aussi bien dans leur pratique que dans leur expression (voir le décret du 22 décembre 2020 par exemple ou celui ayant interdit la prescription de l’hydroxychloroquine) - il semble heureux que des journaux comme France Soir permettent effectivement à des sachants de nourrir le quotidien de leurs analyses et de leurs témoignages tout en masquant leur identité.
Et même lorsque les plus courageux d’entre eux- tel le Dr. Gérard Delépine - présentent – sans cacher leur identité – des analyses étayées sur des questions fondamentales (celles liées au vaccin) Christophe Nobili semble de toute façon ne vraiment tenir compte de l’identité de l’auteur et s’imagine alors des compétences universelles pour juger de l’irrationalité des interrogations. Un peu en somme comme Laurent Joffrin qui explique au Pr. Philippe Parola comment lire des articles scientifiques sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine (Cnews 19/01/2021). Bientôt embauché à Libé Christophe ?
On peut se poser la question car laissant tomber le légendaire apolitisme du Canard Enchaîné Monsieur Nobili n’hésite pas à disqualifier ainsi André Bercoff : une puanteur infernale et réactionnaire. Voyez un peu : « André Bercoff : un lauréat de choix (…) s’extasie France Soir qui n’a pas dû ouvrir la fenêtre depuis un moment. Réac jusqu’au bout du rouleau, Bercoff ne déçoit pas le jury». Classe comme du Philippe Val au plus subtil de sa nuance philosophique. Devinez qui sont les gentils progressistes (de gauche) et les mauvais conservateurs (de droite) ? Question : l’insulte gratuite deviendrait-elle la nouvelle marque de fabrique du Palmipède ? Car on a quand même quelques raisons d’être inquiets : il ne faudrait tout de même pas confondre un Canard sans conservateur avec la lutte pour la santé aviaire journalistique…
Mais fort heureusement pour de nombreux journalistes : le ridicule tue quand même moins que le COVID. La santé de Monsieur Nobili s’annonce excellente.
Une chose est sûre cependant : avec Christophe Nobili au stylo, le Canard perd une plume. Car avec de tels journalistes, la satire ça tire quand même un peu vers le fond. Plutôt vaseux d’ailleurs.
Mais ne soyons pas inquiets. Avec des articles aussi inspirés, Conspiracy Watch se fera un honneur et un plaisir d’accueillir ce journaliste chevronné dès que le site aura été désigné comme centre universitaire de référence sur l’observation du conspirationnisme. Une sorte d’IHU du virus complotiste en quelque sorte. Le talent doit toujours être récompensé non ? Et ce d’autant qu’à force de dénoncer ceux qui voient des complots partout, Christophe Nobili pourrait finir par agacer ses collègues. Ainsi de Jérôme Canard dont l’hebdomadaire titrait l’article dans le même numéro par un très inquiétant : « Les clauses secrètes du plan de Suez pour échapper au raid de Veolia » : un plan secret, c’est pas un peu la définition du complot ça ?
Mais bon on le sait : il y a les « bons complots » : ceux dénoncés par les journalistes du Canard et les « mauvais complots », ceux qui seraient dénoncés par France Soir et ses contributeurs manifestement sous intellectualisés.
Le Canard avait plutôt bien résisté au délire de la grippe aviaire... Avec Nobili, il semblerait qu’il succombe gravement à la fièvre du COVID. Foi de Canard.