Les Chroniques Réinfocovid

(Co)vid(e) Épisode 3/6

Parlons un peu de cette attestation « dérogatoire ». Passons là aussi par le latin : de « rogare » qui signifie « demander », précédé du préfixe privatif « de ». Une dérogation est une absence de demande d’autorisation. On dit : déroger à la règle, ne pas obéir à cette règle. Donc, une attestation dérogatoire de déplacement est la chose suivante : on atteste que l’on vient de signer soi-même qu’on s’autorise à ne pas demander la permission pour se déplacer. Donc, qu’on s’autorise soi-même à désobéir, alors qu’on est censés rentrer dans les cases et rester chez soi ? Étrange, non ?

D’ailleurs, je l’avoue, et je suis prête à aller porter plainte contre moi-même à la gendarmerie, j’ai désobéi chaque jour. Eh oui, chaque jour que Jupiter fait, j’ai rempli des attestations à tour de bras pour : aller poster une lettre, faire quelques courses, faire du vélo, aller aux palourdes, aller chercher le drive, aller voir ma maman de bientôt 89 ans (1400 km A/R et je n’ai pas croisé un seul gendarme !). Bref, la situation actuelle, liberticide et hystérique, fait que je suis devenue une personne régulièrement hors-la-loi, alors qu’auparavant, le moindre manquement au règlement me faisait trembler de culpabilité. J’étais du genre obéissante, dans la mesure où, toutefois, les règles imposées me paraissaient justifiées et cohérentes. Rassurez-vous encore, je ne vais pas dans des hypermarchés bondés, j’ai la chance d’habiter au bord de la mer et de pouvoir faire des km sans croiser quiconque, ni même un seul korrigan. Alors, qui mets-je en danger ?

J’en reviens à cette attestation dérogatoire, le pire, dans cette histoire, (mais peut-être vaut-il mieux en rire ?), c’est que si on ne l’avait pas sur soi, ou si on avait dépassé l’heure, ou si on n’avait pas coché la bonne case, on écopait d’une punition de 135 €. Pour faire bref, on était puni de ne pas avoir apporté et signé la preuve qu’on s’autorisait soi-même à ne pas demander l’autorisation. Raymond Devos, sors de ce corps ! Kafka, tiens-toi tranquille !

Cette course folle contre la « pandémie » prouve au moins une chose : c’est que notre civilisation est de moins en moins préparée à l’idée de la fin de vie. On parle des morts de la « Covid » et oui, c’est triste de penser à toutes ces personnes qui, de près ou de loin, ont cessé de vivre à cause de ce virus. Mais on ne parle presque plus de celles et ceux qui meurent d’autre chose : les femmes sous les coups de leurs compagnons, les enfants martyrisés, les SDF, les malades, les piétons qui ont eu la malchance de croiser un conducteur ivre… Eh oui, parce qu’on meurt tout simplement quand on a fini de vivre. La mort est cruelle, car elle prive les (sur) vivants des gens qu’ils aiment. Mais on ne parle que de Covid-Covid-Covid. On tourne autour de ce (Co)vid(e) abyssal, peut-être pour nous éviter de penser à autre chose, éventuellement à poser trop de questions, et surtout à interroger nos gouvernants : pourquoi ? Pourquoi nous emprisonner ? Pourquoi priver nos anciens de tendresse, de visite, d’une main sur leurs joues ridées ? Pourquoi faire culpabiliser nos enfants car, « si tu ne portes pas ton masque, si tu le tripotes tout le temps, tu vas contaminer tout le monde autour de toi et tout le monde va mourir, ou encore, si tu vas sur les genoux de ton papy ou de ta mamy pour te faire lire une histoire, tu les mets en danger de mort ! ». Oui, parce que les enfants font des raccourcis et des simplifications. N’y a-t-il pas un seul pédiatre, ou pédopsychiatre, pour briefer Jupiter ou son ami Oliver V. à ce sujet ? Et se demande-t-on comment les enseignants vivent cela ? Moi qui le fus, je compatis à leur obligation de service et suis soulagée de ne pas avoir à vivre ces temps de crise devant une classe.

À suivre,

Marie-Pierre L., Citoyenne

 

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