Les Chroniques Réinfocovid

Stockholm 3 , février 2021. Au fil de l’eau

Je parcours cette ville dans tous les sens et marche des kilomètres. Les musées publics sont tous fermés, les bars et restaurants ferment tôt et sont assez chers, alors je profite du temps extraordinaire qu’il fait : lumineux, beau et sec, pour être dehors le plus possible. Moi qui devenais comme un fauve en cage à devoir être cloîtrée dès 18 heures chaque jour. Je réalise la perversité et le sadisme de nos dirigeants français. Les Suédois aiment la nature, aiment être dehors. Ils marchent d’un pas sportif, quel que soit leur âge, quel que soit le froid. L’extérieur est leur élément. « Être dehors, faire des promenades, c’est pour se rendre heureux, et donc être en bonne santé » me dira tout simplement une Suédoise qui ne comprend rien aux décisions gouvernementales françaises. Stockholm faite de 14 îles et de 57 ponts déploie un réseau gigantesque de promenades au bord de l’eau ou à l’intérieur d’immenses parcs, la nature et la ville s’interpénètrent continuellement. Je croise des processions de promeneurs, beaucoup de jeunes femmes ou de jeunes hommes propulsant des poussettes d’un pas alerte, profitant de la promenade de leur petit bout, pour faire du sport. Les roues sont impressionnantes et adaptées à l’avancée sur la neige : les 4X4 non polluants des jeunes parents citadins. Impressionnant le nombre de bébés visibles ici, tandis que la natalité baisse de 13 pour cent en France. Signe d’un désespoir chez nous, signe d’une confiance en l’avenir ici, confortée par des autorités qui respectent leurs concitoyens et ne maltraitent pas les petits. Expression d’horreur sur les visages de mes interlocuteurs suédois quand je leur dis qu’on masque les enfants dès l’âge de six ans, chez nous à l’école pendant de longues heures et même dans la rue. J’ai honte quand je leur explique cela.

Ici on a l’impression de voir un baby-boom se déployer en farandole le long des nombreuses berges aménagées. Absurdité du masque dans cet environnement extérieur vivifiant, masque quasi inexistant de toute façon. Je commence à comprendre que nous sommes conditionnés jusqu’au traumatisme en France et ailleurs par ce bâillon, pour que je pense en permanence à son absence. Mais au moins, jamais je n’aurai le réflexe de le prendre ici, et dévore tous ces visages scandinaves qui défilent devant mes yeux. Je me remplis de l’humanité qu’on nous interdit dans mon pays. J’engrange tous ces personnages, toutes les situations qui me frappent, pour dessiner ensuite d’après mémoire, le soir. Hors de question de photographier ou filmer les Suédois, ce serait insultant de considérer que voir des visages non masqués relèverait de l’exotisme ou du jardin d’acclimatation ! Je ne suis pas dans un zoo à ciel ouvert, les Suédois ne sont pas des bêtes de foire. Mais c’est bien l’inverse qui se produit en France et ailleurs, où les citoyens sont devenus des animaux en cage, et le quotidien, l’anormalité. Je croise beaucoup de personnes âgées cheminant paisiblement avec des bâtons de ski, pour leur stabilité et donner un rythme régulier à leur marche. Les cyclistes ne sont pas découragés par la neige mais sont moins nombreux qu’aux beaux jours. Les joggeurs et joggeuses pullulent et courent vraiment très vite !

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