Artistique

Mia la cyborg – Nouvelle – Chapitre 2

Chapitre 02 - L’armurier

Le lendemain, après la confidence de sa sœur, comme une désactivée, Mia lisait le dernier chapitre d’un roman de Mary Shelley. Une fois terminé, elle reposa le livre sur le lit, couverture tournée à dessein, une larme coula sur sa joue rose tachetée, jusque ses lèvres. Le goût salé de sa tristesse la fit se ressaisir aussitôt et sans l’avoir prévu, cette créature se décida à sortir pour marcher dans la nuit. Sans but, elle ignorait si elle y était autorisée, mais la porte s’entrouvrit quand elle le réclama. Le rayon d'une lune bleue, proche et froide se reflétait sur ses cheveux. Dehors les gens pressés qu’elle croisait semblaient éteints de l’intérieur, plus aucune flamme humaine ne brillait en eux. Une lumière artificielle, blanche et captivante rayonnait des téléphones et se reflétait sur la pâleur des visages dénués d’émotions. Au détour d’une ruelle sombre une patrouille fédérale verbalisait le non port de téléphone des quelques rares cyborgs sortis sans.

Pour échapper au contrôle Mia s’engouffra sous un porche surplombé d’une arche lumineuse comme il en existait encore jusqu’aux années dix, sans même regarder l’enseigne où était écrit :
« Surplus militaire 2.0 » Elle ne commanda rien à voix haute et franchit la porte qui s’ouvrait en la poussant. Un homme de forte corpulence à l’apparence négligée se tenait assis derrière un comptoir cerclé d’un cadre de bois non modifié devenu rare. Les traces de doigts sur la poussière mélangé à de la graisse laissaient apparaître aux clients courageux, un étalage d’armes à feu, de seringues et de munitions exposées.

Le commerçant qui n’avait pas même dit bonjour à la jeune femme, haussa la tête puis baissa le regard en la voyant entrer. Comme un scanner, ses yeux balayèrent Mia de bas en haut puis après une courte pause sur le visage de la jeune fille, ils effectuèrent le mouvement inverse jusque ses pieds.

Lorsqu’elle ressentait un regard masculin, même humain, se poser sur sa chair, elle avait ce tic nerveux qui lui faisait, en une rotation rapide du poignet, glisser ses cheveux derrière l’oreille, freinant doucement le mouvement par une caresse langoureuse sur le lobe.

L’attitude prédatrice de l’armurier en ce lieu lugubre la mit mal l’aise. Avait-elle bien fait d’entrer pour échapper au contrôle ? Elle s’efforça de bloquer ce geste inconscient, prit le regard le moins sensuel qu’elle pouvait et demanda à l’homme en le fixant de ses yeux verts de félin s’il vendait des téléphones. L’homme, avant de répondre, renifla trois fois et l’on entendit qu’il avalait sa salive alors que l’on eût cru qu’il allait cracher sur le sol. « Un téléphone ? Bah le gouvernement en donne ! D’habitude les gens comme vous me demandent plutôt des gilets de faraday pour s’enfuir ou des armes pour se suicider. Avec cela pour sûr qu’ils ne viennent qu’une seule fois ma petite dame ! »
Et il se mit à rire, comme satisfait du sort de ces clients.

S’enfuir, se répéta-t-elle en pensée avec une lueur d’espoir et elle attendit qu’il eût fini de rire pour lui demander :
- « Mais pour partir où ? »
Le commerçant répondit d’un ton grossier
- « Bah ça ma p’tite dame, bien plus loin que les suicidés pardi ! »

Des gens s’enfuyaient donc ! Des cyborgs, des humains? Il fallait prévenir Julia et découvrir leur destination. Mais avant cela elle voulait obtenir une réponse plus précise. Alors, elle baissa ses paupières dangereusement et esquissa un sourire en s’adressant à l’armurier:
« Quelle est l’utilité de ce gilet? » Le commerçant se rapprocha aussitôt de la jeune femme, comme pour la sentir. Ses narines s’écartèrent, mais bloqué dans son élan par son gros ventre sur l’arrête du comptoir qu’il avait oublié, il ne fit que baisser la voix et lui susurra près de l’oreille: « C’est utile pour neutraliser le graphène des implants, je vous garantis qu’il fonctionne. » Il y eu un silence qui ne dura que quelques secondes… Mia, mal à l’aise, ne savait pas si elle en avait besoin, mais elle en prit un, le seul restant. Elle acheta également des balles et un fusil de type militaire. L’homme qui la regardait sans cligner des yeux puait la transpiration et la perversion, Mia, le sentait. Elle paya d’un scan rapide de son iris, pour vite partir. « Sur la facture, j’ai mis : « Livres. » Ne vous inquiétez pas, j’ai la licence pour les vendre comme des armes. » dit-il. Il lui tendit un sac pour y dissimuler ses achats et profita de cet échange pour toucher les doigts de la jeune femme.
Quand Julia sortit du magasin pour rentrer chez elle, elle se promit, pendant qu’elle essuyait ses mains, de ne plus jamais revenir ici non armée.

@JKFK

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