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À Retenir
- La RT-PCR exagère d’un facteur 10 à 30 le nombre de cas de COVID-19.
- La comptabilité des décès COVID-19 est biaisée d’un même facteur 10 à 30.
- Le coronavirus est désormais endémique : 10% de la population.
- La stratégie d’éradication par le dépistage massif et le contact-tracing est obsolète puisque tout le monde est en permanence cas contact.
- Seule la surveillance clinico-virologique du réseau Sentinelles est encore judicieuse.
Dès le départ de l’épidémie COVID-19, le Conseil Scientifique français a préconisé l’emploi massif du dépistage par PCR comme indicateur principal de suivi de l’épidémie, sur avis de l’OMS, alimentant un registre national nommé SI-DEP (abondé également depuis 2021 par les tests antigéniques).
Un autre indicateur a été la mortalité COVID enregistrée dans le fichier national SI-VIC, selon une méthodologie extrêmement large et fondée elle-aussi sur le dépistage par PCR.
L’indicateur clinique, fondé sur les véritables malades, a été promu dans la doctrine de surveillance énoncée par le Conseil Scientifique et relayé par Santé Publique France (SOS Médecins, services d’urgence et EHPAD, réseaux Oscour et Sursaud), mais sans aucune confirmation virologique SARS-Cov-2. Dans le même temps, le seul indicateur clinico-virologique (surveillant en temps réel l’épidémie de malades du COVID avec confirmation virologique), mis à disposition par le réseau Sentinelles, a été passé sous silence par le Conseil Scientifique, SPF et le ministère de la santé.
Pourtant, l’utilisation de la PCR a ignoré tous les standards scientifiques qui permettaient auparavant d’en extraire des indicateurs pertinents. Il en résulte que les principaux indicateurs de suivi de l’épidémie ont été biaisés d’un facteur 10 à 30.
La technologie RT-PCR
La Retro-Transcriptase Polymerase Chain Reaction repose sur l’amplification de l’ADN après rétro-transcription d’un ARN en ADN. Selon le nombre de cycles de réplications opérés, cette méthode peut détecter des quantités très faibles de matériel génétique par unité de volume d’un prélèvement biologique.
En virologie, chaque laboratoire opère pour un agent pathogène (ici un virus) une calibration du seuil de détection, en faisant correspondre les cycles de réplication génétique au nombre de virus retrouvés dans un volume de prélèvement, afin que le test soit positif lorsque le patient prélevé est symptomatique et contagieux : c’est le titrage de l’infectivité virale.
Il se fait en infectant des cellules en culture avec des concentration de virions décroissante et en notant la dilution en-dessous de laquelle la moitié de cultures ne poussent plus. Cette mesure est exprimée en nombre de virus infectant les cellules en culture par millilitre (TCID/mL, Tissue Culture Infective Doses per milliliter, et TCID50/mL pour la concentration médiane).
Pour le SARS-Cov2 étudié par Bullard et coll., la TCID50 était de 1780 copies de virus / mL, valeur médiane en-deçà de laquelle la culture virale ne poussait pas (et n’était donc pas infectieuse). Et cette valeur correspondait à 24 cycles de réplication, suggérant qu’au-delà, la détection de virus ne soit plus significative d’infectivité virale [1].
Selon les laboratoires et leur titrage d’infectivité virale, on peut raisonnablement considérer qu’au-delà de 35 Ct l’ARN retrouvé correspond à de simples débris de virus absolument non contagieux ni pathogènes (comme Anthony Fauci lui-même le déclare ici : https://www.youtube.com/watch?v=a_Vy6fgaBPE à 4 :00 min).
La stratégie d’emploi des tests PCR
Employé en épidémiologie, comme en virologie des infections respiratoires, il faut que la détection corresponde à une stratégie de test :
• Soit on recherche le moindre virus dans une perspective d’isolement et d’éradication de la circulation virale : c’est la stratégie de la suppression.
• Soit on cherche à identifier précocement les sujets les plus contagieux ou les plus infectés, afin de leur venir en aide et limiter la contagion : c’est la stratégie de l’étalement.
Dans la première stratégie (suppression), il est cohérent de débrider les seuils de détection du virus, pour n’en laisser passer aucun « à travers les mailles du filet ». Mais ceci n’a de sens que lorsque le virus est très mortel et qu’il peut être éradiqué par la mortalité naturelle des sujets infectés ou par la guérison grâce à l’immunité naturelle et par les soins prodigués, comme dans le cas de la maladie Ebola par exemple. Mais ceci n’est pas le cas de la COVID-19 qui est très faiblement mortelle et ne disparaît donc pas de la population avec le décès de ses porteurs, et qui de plus est présente dans plusieurs espèces animales. C’est le phénomène du portage sain ou asymptomatique, car l’expression du virus SARS-Cov2 chez l’homme varie de l’absence de symptômes à la pneumopathie virale sévère en passant par le rhume et son expression bénigne ORL et bronchique.
Dans la seconde stratégie (mitigation, selon l’anglicisme retenu par le Conseil scientifique COVID-19 correspondant à « étalement »), il faut choisir le seuil de détection en fonction du coût logistique et financier du test PCR et le bénéfice attendu sur la limitation de la circulation virale. En juin 2021, dans ses recommandations pour les stratégies de laboratoire, l’OMS déclarait que « le dépistage de masse des individus asymptomatiques n’est pas une stratégie actuellement recommandée, du fait de coûts significatifs et du manque de données sur son efficacité opérationnelle » [2]. A plus de 8 milliards d’euros en France depuis le début de la crise dont 1 milliard en seulement un mois en décembre 2021 [3], il est peut-être temps de peser à nouveau la balance bénéfice-coûts d’un tel emploi, sans compter le sévère coût psychologique des tests chez les enfants qui se retrouvent de façon inacceptable au centre de l’attention médiatique et sociale.
Pourtant, le nombre de cycles PCR recommandé est resté tel qu’il fut établi il y a 2 ans, entre 37 Ct et 40 Ct, un nombre de cycles qui ne peut se comprendre que si l’on cherche à dépister le moindre virus chez les porteurs, dans une stratégie de suppression que l’on sait désormais impossible. On ne peut qu’accepter de « vivre avec » comme suggéré par le Conseil Scientifique français il y a déjà un an et demi [4].
Il eut fallu alors avoir le courage scientifique et politique d’adapter la stratégie d’utilisation du test PCR à la logique d’étalement, en revenant à son utilisation habituelle avec calibration sur culture virale et réponse du test livrée avec le seuil d’interprétation.
La décorrélation manifeste de l’indicateur PCR employé sans calibration avec la réalité clinique de terrain
Il n’existe aucune donnée au monde permettant de connaître la proportion des tests PCR revenus positifs en fonction du nombre de cycles de réplication. La seule façon d’estimer cette proportion, est d’observer l’incidence de la maladie COVID-19 « en vie réelle », c’est-à-dire par les généralistes, et de la comparer avec l’incidence des tests PCR positifs : c’est ce que permet l’indispensable réseau Sentinelles de l’INSERM et Sorbonne Université.
En semaine 1 de 2022, l’incidence hebdomadaire est de 2800 prétendus « cas » / 100 000 habitants [5]. La même semaine, l’incidence des malades du COVID-19 selon la méthodologie du réseau Sentinelles (« apparition brutale de fièvre ou sensation de fièvre et de signes respiratoires ») est de 89 / 100 000 habitants (31 fois moins) [6].
La décorrélation tournera pour toute l’année 2020 et 2021 autour d’un facteur 10 à 20.
La conséquence de ce mauvais usage d’une technologie, pourtant parfaitement connue et très utile en vie réelle pour tout médecin correctement informé, est une monumentale exagération des chiffres : les « cas » ne sont majoritairement que des porteurs sains.
En médecine, un « cas » est un malade, c’est-à-dire un individu qui présente des symptômes. Les porteurs sains ne sont pas plus des malades du COVID que les enfants porteurs de VRS ne sont malades de bronchiolite, ni même que les porteurs du VIH séropositifs ne sont des malades du SIDA. Le glissement sémantique dans la définition des « cas » en épidémiologie préfigure une nouvelle médecine où chacun serait un malade qui s’ignore et devrait se soumettre à des thérapies sans avoir déclaré de symptômes.
Le mésusage des PCR invalide également un autre indicateur de suivi de l’épidémie : celui de la mortalité COVID-19 du fichier SI-VIC
La séroprévalence du portage de SARS-Cov2 se situe entre 1% et 20% de la population mondiale [7]. Cette fourchette correspond bien à celle du taux de positivité des tests PCR observée depuis bientôt 2 ans.
Ce dont il résulte que la même proportion des morts quotidiens est aussi porteuse de SARS-Cov2, soit 170 personnes par jour en moyenne en France (650 000 morts par an soit 1700 morts par jour).
Or, si le fichier national SI-VIC qui recense les victimes a, on l’espère, très probablement écarté de ces statistiques les morts traumatiques, tous les autres décès ont été comptabilisés en mortalité COVID-19.
Ceci est illustré par la formule désormais célèbre au sujet des individus « morts avec la COVID mais pas de la COVID » : la mortalité COVID-19 aura probablement été surestimée jusqu’à un facteur 10.
En conclusion
Il est plus que temps d’assumer la stratégie de l’étalement et de l’acter par l’arrêt des tests PCR en faveur des tests antigéniques (un peu moins sensibles et largement assez spécifiques, mais surtout à Valeur Prédictive Positive forte, c’est-à-dire que lorsqu’ils sont positifs on a peu de risques de se tromper), voire d’assumer courageusement de cesser le dépistage de masse et le contact-tracing en faveur du dépistage précoce des seuls patients symptomatiques, par le généraliste équipé de tests antigéniques (disponibles pour lui par une dotation de l’Etat de 20 tests par jour et rémunérés 39,10e + 30 euros en cas de déclaration sur le fichier SI-DEP).
A défaut de tout reporter sur les tests antigéniques, les tests PCR doivent de nouveau être utilisés, comme il a toujours été recommandé, avec calibration sur cultures virales et résultat livré avec le seuil de positivité.
C’est le sens de l’amendement proposé par la sénatrice Muller-Bronn le 11 janvier et retenu par le Sénat pour le projet de loi sur le pass vaccinal : conditionner celui-ci à la surveillance de la maladie COVID-19 et non plus sur la circulation désormais endémique du virus SARS-Cov-2 [8].
Références
[1] Bullard J, Dust K, Funk D, Strong JE, Alexander D, Garnett L, Boodman C, Bello A, Hedley A, Schiffman Z, Doan K, Bastien N, Li Y, Van Caeseele PG, Poliquin G. Predicting Infectious Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 From Diagnostic Samples. Clin Infect Dis. 2020 Dec 17;71(10):2663-2666. doi: 10.1093/cid/ciaa638. PMID: 32442256; PMCID: PMC7314198.
[2] https://www.who.int/publications/i/item/WHO-2019-nCoV-lab-testing-2021.1-eng
[3] https://www.lesechos.fr/economie-france/social/exclusif-covid-la-ruee-sur-les-tests-a-coute-1-milliard-deuros-en-decembre-1376433
[4] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/note_conseil_scientifique_12_septembre_2020.pdf
[5] https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde
[6] https://www.sentiweb.fr/document/5508
[7] Ioannidis, John P A. (2021). Infection fatality rate of COVID-19 inferred from seroprevalence data. Bulletin of the World Health Organization, 99 (1), 19 – 33F. World Health Organization. http://dx.doi.org/10.2471/BLT.20.265892
[8] https://www.nossenateurs.fr/amendement/20212022-333/16