15 décembre 2020
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Par Laetitia Leroy, lycéenne à Rambouillet (78)
Temps de lecture : 6 min
17 mars 2020 : le confinement est généralisé en France. Ma vie bascule brutalement : plus de lycée, plus de contact social, plus de liberté. La terreur médiatique se généralise, l’espoir de retrouver une vie normale s’amenuise. Prédiction maintenant avérée, puisqu’en quelques huit mois le monde s’est transformé. Alors que je suis au début de ma vie, j’envisage avec difficulté mon avenir. Le masque est devenu omniprésent, accessoire indispensable et inséparable de notre visage. Aujourd’hui, je vole de l’air en tentant de respirer sans lui. Et l’on me considère comme une délinquante, une rebelle, lorsque je baisse illégalement ce masque pour m’oxygéner à pleins poumons. Vol d’air puni par la loi, comme le serait n’importe quel autre délit. Mais ce délit de bonne santé est-il acceptable ?
Je suis citoyenne de la République française, et nos ancêtres se sont battus pour que nous jouissions de libertés. Voltaire, Beaumarchais, Louise Michel se sont battus pour la liberté. Des hommes et des femmes ont donné leur vie pour que leur descendance vive plus librement, se confrontant au pouvoir établi et à l’Église. Aurions-nous oublié tous ces épisodes de l’Histoire qui ont forgé notre caractère et notre réflexion ? Alors, posons-nous un instant et interrogeons-nous : la période que nous vivons actuellement justifie-t-elle une restriction abusive de nos libertés ?
Mon quotidien ? Porter un masque pendant plus de huit heures au lycée, sans possibilité de l’enlever, sauf pour manger ! Et des pauses repas limitées à 30 min… Il y a encore un an, la cantine n’était pas vraiment un moment de plaisir, les plats étaient nuancés ; et maintenant c’est un endroit de délivrance d’où nous ne voulons plus sortir... Un masque obligatoire même pendant la récréation à l’extérieur, ou devant le lycée. Seuls les lycéens fumeurs ont le droit d’être en groupe sans masque aux abords du lycée. Pour pouvoir respirer librement, il faut donc se mettre à fumer ? Je voudrais qu’on m’explique la logique : les fumeurs peuvent respirer normalement, en asphyxiant les personnes aux alentours, et pour moi qui ne fume et ne nuit à personne, il m’est impossible de prendre une bouffée d’air frais… Il me semble également utile de rappeler que la cigarette provoque 75 000 décès tous les ans.
Huit heures d’enfermement et d’asphyxie... Le masque nous bâillonne, comme un frein à la liberté d’expression, et avec nous perdons notre identité. Le visage même de nos professeurs ou de certains de nos camarades nous sont inconnus ! Nous ne sommes plus que des silhouettes indéterminées, dans un monde masqué, incapables de se reconnaître si par hasard nous nous rencontrons sans masque… Quel frein pour notre vie sociale et notre épanouissement ! Notre partie basse du visage est presque devenue une partie intime, que l’on ne révèle plus qu’au compte-gouttes. Au contraire, s’il y a bien un élément que l’on n’utilise pas au compte-gouttes, c’est le gel hydroalcoolique. Le lycée nous demande d’en mettre sur nos mains deux fois par heure! Ce qui revient à 18 lavages en une journée, en comptant ceux avant et après la cantine. Quelqu’un s’est-il posé la question de l’effet néfaste que ce gel aura pour notre peau ? Jusqu’à quand cela va-t-il durer ! Il faut arrêter avec cette nouvelle école, où le gel hydroalcoolique et les masques ont remplacé le contact et les sourires des amis !
Maintenant, la plupart des lycées ont adopté la politique du 50 % distanciel, 50 % présentiel. Nous ne venons donc plus que la moitié du temps au lycée, nous voyons moins nos amis, nos professeurs. L’accès au dialogue est divisé de moitié. Et la seule chose que trouvent à dire mes amis, c’est qu’ils sont heureux de ce semi-confinement car ils vont pouvoir visionner encore plus de séries ! Passer leur journée devant un écran, voilà ce qui les satisfait. Vivre par procuration, sans réfléchir, pour passer le temps ! Mais quelle est donc cette vie, cette léthargie, qui n’apporte aucune construction personnelle ?
Quand on est jeune, on s’identifie aux adultes, leur vie peut nous faire rêver, on a hâte de grandir. Mais maintenant, ces personnes et ces rêves se sont évaporés. Les Français ne sont plus qu’une masse indistincte qui accepte religieusement tout ce que l’État leur dit. Plus de libre-penseurs, plus d’opinion contraire. Plus qu’une uniformité qui enlève sa saveur aux débats. La population n’a plus de vie sociale et elle l’accepte, puisque très peu de personnes expriment leur mécontentement. Et lorsque certains se dressent malgré tout contre cette avalanche de mesures, ils sont incendiés sur les réseaux sociaux, voire même sur les plateaux télévisés. Ils sont réduits au silence par le dédain et la violence de leurs détracteurs. Mais la base de la démocratie n’est-il pas la liberté d’opinion et d’expression? Or, des appels sont lancés pour censurer ces personnes, pour les empêcher de s’exprimer en public. Cela ressemble à un grave retour en arrière… Alors, comment développer son esprit critique dans un tel environnement ? Le futur est-il donc de suivre le mouvement sans se poser de questions ?
Par ailleurs, le gouvernement culpabilise depuis plusieurs mois les jeunes, en diffusant des spots publicitaires très choquants. Comment ne pas imaginer le traumatisme psychologique qui nous assaille d’une manière consciente ou inconsciente lorsque nous regardons ces spots plusieurs fois par jour. Le message est simple : nous contaminons les personnes fragiles, quitte à les faire mourir. Cette idée est atroce ! Aujourd’hui, nous avons peur de nous approcher de nos grands-parents, et eux ont également peur que nous les contaminions. Ils ne peuvent plus nous donner de l’amour sans avoir un mouvement d’angoisse si notre main frôle la leur, ou pour les plus téméraires d’entre nous si nous tentons de les embrasser. Mais un enfant qui est constamment repoussé, alors qu’il souhaite seulement un contact, va finir par se sentir rejeté et mal aimé… Quelles conséquences cela aura-t-il dans nos futures relations ? Et arrêtons de dire que ce n’est que pour un court moment, car nous ne voyons pas le bout de cette descente aux enfers.
De plus, selon la société notre insouciance entraîne la hausse des contaminations. « Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour nous », dit-elle… Utile de trouver un bouc émissaire, et d’autant plus facile de s’en prendre à des jeunes. Notre joie de vivre est coupable, eh bien, anéantissons-là ! Nous ferons un joli monde.
Mais cette politique de culpabilisation et d’infantilisation a bien réussi. Lorsque je discute avec mes amis, certains m’affirment qu’ils ne se posent aucune question et que cela les satisfait. Pour reprendre leurs mots, ils se contentent de suivre « bêtement le troupeau ». Cela m’effraie car ils représentent la France de demain. Bien que jeunes, nous avons le droit, et même le devoir, de nous interroger et d’avoir un avis. Et le rôle des adultes est de nous accompagner et de débattre avec nous, non de nous assujettir et de nous regarder de haut avec arrogance. Mais quoi qu’en dise la société, la plupart d’entre nous réalisent un acte d’abnégation en obéissant docilement aux mesures gouvernementales. 150 ans plus tôt, Rimbaud écrivait : « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans ». Ce temps là est révolu, et les jeunes de 17 ans d’aujourd’hui sont pleinement conscients de leurs actes.
La tournure que prend cette période m’inquiète. J’ai l’impression que nous n’allons jamais nous en sortir. Les décisions gouvernementales se font toujours plus drastiques, et personne ne conteste. Même lorsqu’il y avait peu de morts en été, tout le monde a accepté de porter un masque. Mais si aucune résistance n’a lieu, jusqu’où vont aboutir les mesures ? Je m’imagine avec effroi notre avenir : masqués toute la journée dès qu’un virus circulera, la peur permanente des personnes âgées, et une population privée d’un contact physique et social si important ? Je suis jeune, et je me lamente déjà sur mon passé ! 17 ans d’une vie pleine de libertés, une génération remplie d’espoir pour un meilleur futur, et en huit mois tout s’ébranle. L’acceptation de la population française devant la mise en place de cette dictature médicale m’afflige. Tout cela est lié aux fréquentes annonces gouvernementales, et à l’omniprésence du sujet d’actualité « covid-19 » dans les médias. Cet environnement anxiogène engendre une crainte populaire généralisée.
La situation actuelle peut être résumée très simplement par une formule de Kierkegaard, un philosophe danois : « L’angoisse est le vertige de la liberté ». Mais si l’angoisse gouverne la société de demain, que va-t-il advenir ?