Témoignage de :

Accident de prélèvement

15 mars 2021

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Voici le courrier adressé à mon directeur d'établissement suite à un accident de prélèvement que j'ai subi en mai dernier me laissant pour séquelles à +8mois des paresthésies du trijumeau. Même si tout s'estompe et que cela devrait rentrer dans l'ordre, j'ai authentiquement vécu un traumatisme et la douleur comme le statut de victime n'ont pas eu voix au chapitre dans mon établissement. J'ai été convoquée par le DRH pour me faire taire. J'ai donc adressé un 2ème courrier au directeur, lui aussi resté sans réponse. Je n'ai pas non plus eu de nouvelles de la médecine du travail.

"Direction de l'Hôpital

Objet : protection du personnel / mise en danger des usagers

Monsieur,

Par la rédaction de ce courrier, je souhaite obtenir les réponses à un certain nombre de questions que je me permets de vous énumérer :

- quel cheminement vous a amené, en qualité de décideur, à désinformer aux dépends de la transparence ?

- que justifie le recours aux manœuvres d'intimidation ?

- pourquoi des décisions furent prises au mépris des recommandations ?

- quelle(s) prérogative(s) explique(nt) le délai avant les dépistages ?

- pourquoi ne pas avoir appliqué les règles de confidentialité ?

- qui a validé le protocole de l'acte technique d'écouvillonnage ?

- comment a été dispensée la formation des personnels préleveurs ?

- pourquoi les accidents de prélèvements sont-ils banalisés ?

- y a-t-il une procédure autour de la déclaration d'accident de travail ?

- pourquoi les symptômes résultant d'un accident de travail n'ont pas été examinés aux Urgences ?

- pourquoi la mission de protection du personnel n'est pas en place sur mon lieu d'exercice ?

- pourquoi la prévention d'une maladie professionnelle n'a pas été menée ?

Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ce courrier et vous prie, Monsieur, de croire en l'expression de mes salutations respectueuses.

NB : vous trouverez en annexe le récit des événements récents aboutissant à une déclaration d'accident de travail auprès d'un médecin de ville.

Annexe :

J'ai 41 ans, je suis orthophoniste depuis août 2003 à l'hôpital.

Je suis rattachée à la neurologie mais j'exerce une activité transversale.

Je vous expose ici mon récit corrélé aux questions posées dans mon courrier.

Nous vivons une situation sanitaire particulière nécessitant des ajustements de pratiques.

Les infectiologues nous ont informés mi-mars que le port du masque n'était absolument pas justifié alors que la problématique réelle portait sur les stocks de masques.

Les données de notre hôpital relevaient 0 cas Covid-19 lorsque 3 patients infectés étaient hospitalisés en MIMI.

« Quel cheminement vous a amené, en qualité de décideur, à désinformer aux dépends de la transparence ? »

Afin de limiter l'utilisation de masques et malgré les demandes d'un personnel inquiet, l'encadrement menaçait d'un blâme les agents circulant masqués. J'ai alors imprimé la toute récente circulaire du 16 mars 2020 émanant du Ministère de la Santé et encadrant l'usage du masque afin que les collègues concernés puissent en obtenir.

« Que justifie le recours aux manœuvres d'intimidation ? »

L'activité transversale implique une circulation de service en service avec un risque accru de véhiculer le virus.

Ces professions n'ont pas été identifiées.

La prévention sanitaire n'a pas eu lieu (fournir masques, gants et visières, former à l'habillage, etc.).

Le maintien de pratique orthophonique décidé au SSR allait contre la circulaire de l'ARS encadrant la transversalité.

« Pourquoi des décisions furent prises au mépris des recommandations ? »

Nous sommes 2 orthophonistes travaillant dans le même bureau en neurologie.

Ma collègue a travaillé le mercredi au SSR alors qu'une note de service la déclarait en isolement dès le jeudi.

Elle a été dépistée à J16 de l'exposition (dans le cadre du dépistage du personnel du SSR).

De plus, certains personnels de neurologie dont les conjoints avaient été exposés au SSR ont déclaré des symptômes.

Le dépistage en neurologie a été organisé quinze jours plus tard.

« Quelle(s) prérogative(s) explique(nt) le délai avant les dépistages ? »

Lors des résultats Covid+, les cadres ont été informés du nom des agents.

« Pourquoi ne pas avoir appliqué les règles de confidentialité ? »

Le dépistage se passe debout, au centre de la tente, les mains derrière le dos.

Je me tiens à disposition pour expliciter à quel point nous sommes éloignés des principes de bientraitance.

« Qui a validé le protocole de l'acte technique d'écouvillonnage ? »

Au moment du prélèvement par écouvillonnage, un accident technique s'est produit : l'ustensile a tapé mes cornets nasaux internes provoquant une douleur aux confins du malaise vagal et une épistaxis.

Au moins 7 collègues le lundi matin (jour de mon passage) ont présenté des symptômes similaires et au moins 3 le mercredi matin.

« Comment a été dispensée la formation des personnels préleveurs ? »

Les cadres ont signalé le lundi matin les accidents de prélèvements, le chef de service de neurologie a contacté le président de CME le mercredi : l'agent préleveur avait malgré tout été laissé en place.

Tous les agents blessés ont repris leur poste en suite de dépistage.

« Pourquoi les accidents de prélèvements sont-ils banalisés ? »

Le pôle de prélèvements Covid, le service de Neurologie, le service des Urgences et celui d'ORL ont été informés de ma situation : suite aux symptômes précédemment décrits, une poussée inflammatoire progressive accompagnée de douleurs s'est déclarée (céphalée et surdité persistent).

Face au grand vide, j'ai pris l'initiative de recourir à mon médecin traitant pour constituer un dossier de médecine légale et établir le certificat d'Accident de Travail initial.

« Y a-t-il une procédure autour de la déclaration d'accident de travail ? »

L'accident de prélèvement qui me concerne s'est déroulé le lundi matin. Les douleurs ont persisté et une céphalée est apparue rapidement au fil de la journée.

Le mardi matin, le syndrome inflammatoire s'était installé avec une symptomatologie ORL marquée.

Je me suis présentée aux Urgences avant 9h.

J'ai été redirigée, pour un examen à l'otoscope, vers les médecins neurologues avec qui je travaille.

Considérant que le mot Spécialité a un fondement, j'ai préféré me déplacer à la consultation ORL et ai demandé à être examinée.

Un médecin a pu accéder et m'intercaler juste avant 16h à ses rendez-vous programmés, pour un examen des tympans à l'otoscope.

« Pourquoi les symptômes résultant d'un accident de travail n'ont pas été examinés aux Urgences? »

Cet enchaînement d'éléments m'a rendue inquiète quant aux conséquences -et leurs prises en charge- de cet accident de travail sur ma santé.

Le mercredi, à J2 de l'accident de prélèvement, mon médecin référent a examiné de façon approfondie la zone faciale ORL et a instauré un traitement.

Une consultation d'évolution est programmée à J10.

« Pourquoi la mission de protection du personnel n'est pas en place sur mon lieu d'exercice ? »

La déclaration d'accident de travail a donc été déposée jeudi 7 mai 2020 devant le bureau du personnel. À l'heure où je rédige ce courrier (le 12 mai 2020), des douleurs et une surdité persistent bien que le traitement anti-inflammatoire prenne fin.

Outre le fait qu'en tant qu'usager, l'accident de prélèvement n'ait pas déclenché les procédures attendues, il m’apparaît en tant que professionnelle, que mon employeur ne soit pas préventeur et que les conséquences sur mon exercice orthophonique sont négligées. « Pourquoi la prévention d'une maladie professionnelle n'a pas été entamée ? »

Pour conclure,

J'attends, sur mon lieu d'exercice, que les procédures soient réfléchies, définies et appliquées.

J'ai longtemps accepté d'être rangée parmi ceux qui ne comptent pas, jusqu'à cela impacte ma santé.

Je souhaite une prise de conscience des dysfonctionnements de notre institution auxquels quotidiennement nos patients sont soumis."

**** février 2021, mêmes écueils...

Demain, j'ai rdv avec la cadre sup car dans mon service, les patients sont (parfois physiquement) forcés à la réalisation du test Covid dans nos murs. Le recueil du consentement et la loi autorisant le patient à refuser un soin ou un examen est piétinée.

Le protocole du bloc opératoire n'inclut pas les patients qui n'ont pas réalisé le test. Anecdote amère.

Merci d'être là en tout cas.

AJ

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