Témoignage de :

Accueillir la peur

6 janvier 2021

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Je vous partage aujourd'hui, mon expérience de thérapeute (ostéopathe) vis à vis du masque, qui peut être en aidera d'autres.

L'histoire du masque en toutes circonstances me chagrine depuis cet été, avec son obligation de le porter. Je parlerai ici de ce que je vis en cabinet avec mes patients. Je l'ai porté au début du déconfinement (11 mai) jusqu'à la mi-juin. Je l'ai porté par conviction et je le faisais porter aux patients en pensant vraiment que c'était utile. J'avais encore la peur, que nous pouvions être dangereux les uns pour les autres.

M'informant de différentes manières, dans différents médias, je me suis rendue compte que le masque n'empêchait pas grand-chose dans la transmission des virus. En particulier, les masques en tissu et les masques chirurgicaux, seuls les masques FFP2 peuvent prétendre à cela. C'est assez personnel, mais quand quelque chose ne fait plus sens pour moi, il m'est pratiquement impossible de continuer à le faire. J'ai donc commencé à proposer aux patients d'enlever leur masque (juin/juillet), les patients étaient contents de l'enlever.

J'avais déjà entamé ma réflexion sur toute cette pandémie et mes connaissances en matière de santé me confortaient dans ce sens : la théorie de Béchamp sur la notion de terrain : "le microbe n'est rien, le terrain est tout", et la notion de contagiosité : si je me sens en bonne santé (pas de symptômes respiratoires ni de fièvre), je ne suis pas contagieuse. Donc, forte de mes convictions, je commençais à enlever mon masque, pour ne plus le mettre du tout.
C'est là que les difficultés ont commencé, car il a fallu assumer.
J'exerce au sein d'une maison de santé, avec des affiches placardées partout "masque obligatoire". L'ARS (Agence Régionale de Santé) envoie également des mails sur l'obligation du masque pour protéger nos patients et nous protéger nous. Mes collègues se sont posés des questions sur mon attitude mais ma principale problématique était le discours avec les patients.
La majorité des patients est heureuse d'enlever le masque et réfléchit sur son utilité, c'était une bonne surprise. J'ai commencé à avoir de belles discussions avec eux sur ce que nous vivions.
Et puis, c'est arrivé. La première patiente choquée par le non port du masque et à qui je propose, en plus de l'enlever. Elle m'a laissé un message sur mon répondeur après la consultation. Je n'avais jusqu'alors, pas trop réfléchi à la procédure du "pas de masque en consultation". Je faisais comme si c'était normal et la plupart du temps ça ne posait pas de problème. J'ai commencé à réfléchir sur tout cela mais j'ai quand même continué à ne rien dire, car cette situation s'est reproduite une ou deux fois sur 4 mois.
Courant novembre, une autre patiente, m'a de nouveau mise au pied du mur, et je l'en remercie. Elle ne me dit rien au début de la séance, mais me fait la remarque à la fin. Elle était assez fâchée, car,
elle, est obligée de le porter pour travailler. Sa colère était basée sur le fait que je n'informais pas mes patients avant la consultation que je ne portais pas de masque. Elle avait raison, il n'y avait pas de mots posés sur tout cela.

Réinfocovid m'aidait bien déjà depuis le mois de septembre, et il y a la vidéo du Dr Loridan sur le masque qui m'a confortée dans mon argumentation. Mais ce qui m'a le plus aidé, c'est la communication non violente (CNV). Il n'y a pas trop de hasard, mais quand j'entendais Louis Fouché, je me disais, c'est fou, il doit pratiquer la CNV, ce que j'ai découvert quelques semaines plus tard. Je pratique moi-même (tout du moins, j'essaye ;-)) la CNV depuis 3 ans et j'ai essayé avec mes patients. Ce fut un miracle.

Ce que je fais maintenant : j'accueille les patients sans masque, ils s'installent et j'entame tout de suite la discussion sur le fait que je ne le porte pas. Si ça ne leur pose pas de problème, je ne
m'étends pas dans la discussion. J'explique que c'est un choix réfléchi et je leur propose d'enlever le leur. Par contre, j'ai eu dès le premier jour de cette nouvelle façon de procéder, "le patient qui a peur."
C'est là que le miracle s'est produit. Ce patient était terrorisé par le covid, il me racontait qu'il n'avait jamais de chance dans la vie, qu'il lui arrivait toujours des problèmes de santé ou autres et qu'il préférait que je mette un masque. Deux solutions se présentaient à moi, soit je mettais le masque par respect pour sa peur, soit j'entamais une discussion pour accueillir sa peur. J'ai choisi la deuxième solution, avec de l'appréhension.
J'ai discuté avec lui des masques, de la transmission des virus, de sa vie, de ses peurs.
Après 45 minutes, il s'est senti en confiance et rassuré. Il a donc accepté que je le soigne sans masque (lui a gardé le sien). Il est reparti en me remerciant chaleureusement de cet échange que nous avons eu. Il m'a confié qu'il n'avait jamais été écouté, ni entendu par les soignants qu'il avait pu côtoyés. J'ai eu la même situation qui s'est produite avec une autre patiente, elle a même enlevé son masque (après une demi-heure de discussion). Petite anecdote avec cette patiente : elle pensait que la pub/propagande diffusée à la télévision, où on voit un jeune embrasser sa grand-mère pour son anniversaire, et où elle atterrit 2 secondes après à l'hôpital intubée, c'était la réalité... Il y a du travail pour déconstruire la narration de la peur.

Aujourd'hui, je me sens en confiance, en paix avec mes décisions, n'étant plus dans le "non dit". En CNV, on appelle cela, aller sur la colline de l'autre, c'est à dire: se mettre à l'écoute des ressentis de l'autre, de sa façon de voir les choses, sans le juger.
Cela m'a permis de mieux accepter le choix des patients de garder leur masque, ce que j'avoue, j'avais du mal à faire.
Je remercie particulièrement le Dr Loridan, avec qui j'ai pu échanger directement, mes proches qui m'aident dans mes réflexions, et mes patients qui me font avancer tous les jours.
Je pratique aujourd'hui sereinement mon métier et j'espère que mon témoignage sera utile.

 

Graziella

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