Témoignage de :

Aînés qui décrochent

22 mars 2021

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Marcel, 80 ans, est un homme de caractère, un franc parler, de cette espèce audacieuse, qui s'est souvent déjoué des limitations dans sa vie active.

Un personnage tout droit sorti de la célèbre BD des gaulois, ...avec ses moustaches, son regard bleu lucide, transparent, sa gouaille, ses formes... un attachant bougon!

Il observe ce monde qui évolue.. se remémore pour retrouver la joie, les souvenirs d'antan.. Constate que les espaces de rencontres n'existent plus... il se voit vieillir seul, isolé , coupé des connexions simples de la vie quotidienne. Il vit avec sa douce aimée au fin fond de la campagne, le marché était sa sortie hebdomadaire. Il y retrouvait ses amis, partageait des poignées de mains, des embrassades, des sourires. Il se retrouvait, avec ses amis, autour d'une table de bistrot pour un café et glissait jusqu'à l'heure de la potion magique !

Ensemble ils pouvaient échanger, rire, se taquiner, se donner des nouvelles, se ressentir solidaires de ceux éprouvés.

Ces temps du vendredi étaient sacrés pour lui.. il ne ratait jamais ce rdv..

Il se dit lui même surpris de renoncer à son rituel vivifiant, revigorant, hebdomadaire, car éprouver des silences masqués, des évitements, des distances ... le rend triste.

Il fait le récit de ce que la société a installé au cours des dernières décennies. Des changements progressifs, non conscientisés, qui ont opéré, conduisent aujourd'hui à un monde déshumanisé...

Il s'inquiète pour ses petits enfants, ses arrières petits enfants, de l'absence de liens sociaux, ce repli sur soi, à l'image de l'enfermement, des restrictions généralisées.

La fête des chemins croisés, n'a plus la même saveur...

Ce couple me touche, comme beaucoup d'autres... alors autour de la table nous prenons le temps de parler, de rire, de débattre, d'interroger... parfois leurs corps vieillissants, qui ont tant besoin d'enveloppement pour être rassurés, frôlent mes mains, mes bras. Je les offrent volontiers...comme un simple cadeau, une simple présence.

 

Il y a ceux qui vivent l'expérience collective comme un déchirement profond, qui les coupe de leurs familles, de leurs petits enfants, qui n'osent plus venir, pour ne pas les faire mourir.

 

Yvette est de ceux-ci.

Elle a le cœur en mille morceaux de ne plus confectionner des pâtisseries avec ces petites filles, de leur transmettre, de les toucher, les caresser avec ses mains, son cœur, ses yeux.., de les écouter raconter leur vie d'enfants, d'écoliers ,de lycéens …

Elle a le cœur en mille morceaux, de ne voir plus personne, d'être si isolée alors qu'elle vit dans une ville, un immeuble...

Elle a le cœur en mille morceaux de plus avoir aucun bonjour lorsqu'elle va à sa boite aux lettres, comme si porter le masque rendait muet, sourd ...

Elle se ressent si seule n'a plus sa pilule du bonheur.

Certes elle ne sort pas d'un labo, n'enrichit le compte de personne, n'alimente aucun système, et est présente en chacun : HUMANITE.

Elle en arrive à 65 ans à penser à décrocher ... car ce qu'elle vit la fait souffrir, bien davantage que ce dont elle doit être préservée...

Pourtant elle n'a aucune inquiétude face à la mort, sa petite voix, son libre arbitre crient haut et fort :

Amour, Affection, Liens .....antiviraux naturels.

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