Témoignage de :

Colère d’une infirmière libérale

5 novembre 2020

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Colère !

Je ne décolère pas!

Je suis infirmière libérale,  depuis plus de 30ans.... oui, ça existe!

Et je ne me suis jamais sentie autant en colère que ces jours. Je suis révoltée dans la façon dont on soigne, ou plus exactement dont on ne soigne pas les gens les plus fragiles. Vous savez ce que c'est que de passer chez ses patients,  que l'on suit depuis des années, et de n'avoir rien à leur proposer pour les soulager ? De les voir malades, angoissés, mal.... et de les regarder en attendant qu'ils s'aggravent.…

J'ai travaillé la semaine dernière 6 jours sur 7, et suivi mes patients habituels,  dont 3 ont été testé positif au début de ma semaine de travail. Les trois ont entre 78 et 88 ans, sont diabétiques,  insuffisant cardiaque ou rénal....bref, bien fragiles.

Le premier cas est tombé malade le dimanche,  pas de médecin sous la main, je conseille à son fils d'appeler la maison médicale de garde où on lui dit de l'emmener directement aux urgences. C'est là qu'il a été testé positif; retour à domicile sans aucune prescription....juste le numéro de l'accueil des urgences écrit en  vitesse avec les horaires d'ouverture 8h30-20h30....

Ce patient est resté fébrile sur plusieurs jours, saturation limite mais nous avions la consigne du médecin traitant de le faire hospitaliser s'il passait en dessous de 90%... 5 jours plus tard, son état s'aggrave,  dyspnée importante, il a passé la nuit debout, angoissé...mais sa saturation reste à 91, 92. J'appelle le 15 qui convient d'une hospitalisation,  départ en ambulance, je lui explique comme il va être soulagé par l'oxygène et rassuré d'être surveillé de près....pour apprendre 4h plus tard qu'il ressort de l'hôpital,  pas assez grave. Retour à domicile toujours sans prescription !
Fin de l'histoire ? Il repart 3 jours plus tard avec les pompiers, cette fois il était en dessous de 90%, il a été hospitalisé....je n'ai pas de nouvelles.

Le 2ème patient était chez sa fille,  il est resté 8 jours avec une fièvre oscillante 38°-38°5 ; lui n'a bénéficié d'aucune surveillance particulière. Je me souviens juste avoir dit à sa fille qu'il fallait rester vigilant tant qu'on n’avait pas passé le cap des 8 jours… Il a fait un pic fébrile à 40 dans la nuit de samedi à dimanche et c'est ma collègue qui l'a fait partir en catastrophe à l'hôpital le matin, saturation à 80 %…. lui ne se sentait pas si mal ! Hypoxie heureuse ?

 

Je ne décolère pas car à aucun moment  un traitement n'a été proposé en amont de cette fameuse phase critique ! On a attendu béatement que les gens s'aggravent !
Comment les réas peuvent-elles se désengorger si en amont rien n'est fait, rien n'est tenté ?
J'ai fait part de ma colère aux médecins et collègues de notre canton.
On m'a dit que c'était comme ça : la prise en charge ne peut être qu'hospitalière

Je ne leur en veux pas, ils n'ont pas les moyens de faire autrement je pense...Mais j'ai l'impression de gesticuler devant une montagne d'inertie !

Mais quand va-t-on se décider à soigner,  prendre soin, accompagner...les plus fragiles ? L'Hydroxychloroquine est devenu un gros mot, je ne dis pas que c'est la panacée mais au moins on essaye quelque chose, et ça ou autre chose mais au moins on tente et on verra !

Hormis les soins en réa, je pense qu'on a rien retenu de la première épidémie …

Colère

S.C.

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