15 février 2021
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Cri du cœur au nom de mon père qui s'ajoute à la liste des anonymes victimes de cette "crise"...
Ce soir je suis en colère car mon père est malade. Non, pas du Covid non. 2ème cancer, on l'apprend hier matin. À tout juste 63 ans, on l'hospitalise fin novembre pour des malaises. 3 semaines. 3 semaines pendant lesquelles il a droit à divers examens, posant divers diagnostics, que nous n'obtiendrons qu'en prenant rendez-vous avec le médecin, de 15h30 à 17h en semaine. À plusieurs reprises "on" lui dira repasser plus tard, et en fait jamais.
Il n'aura droit qu'à 1 visite par jour, dans ce même créneau horaire. Faut choisir, ta femme, ta fille... je passe les détails qui m'échappent sans doute et qui n'apportent rien à mon texte.
Il sort le 24 décembre. 2 diagnostics différents et complémentaires. Mais "on" ne peut plus rien faire pour lui alors il sera mieux à la maison, avec sa famille. On le renvoie un 24 décembre à la maison, à quelques heures de la fermeture des pharmacies, veille d'un férié, avec une ordonnance.
Aucune explication, aucun numéro de service en cas de doute, question... et il fait toujours des malaises. Rdv le 11 janvier pour en savoir plus.. le traitement ne suffit plus très rapidement, les allers-retours à l'hôpital se multiplient, il y entre dans la nuit, attend des heures dans un couloir, subit un test pcr à chaque fois, les examens de routine et ressort le soir, ni repas ni eau... à 20h une fois qu'un véhicule est disponible pour lui (car intransportable assis) avec une ordonnance.
Je ne connais sans doute rien des raisons qui justifient qu'en 2021, on ressorte de l'hôpital sans même le traitement minimum nécessaire pour tenir ne serait-ce que 24 heures avant de devoir courir à la pharmacie ! Aucun suivi, même téléphonique, de l'état de mon père jugé apte à rentrer avec ses dizaines de médicaments à administrer jour et nuit pour tenter d'enrayer des douleurs neurologiques insupportables qui lui causent ses malaises. Le généraliste peine à se déplacer, le médecin de gestion de la douleur avise de la posologie par téléphone quand il est joignable, les doses augmentent avec la douleur.. il faut deviner, puis supplier presque un courrier demandant l'hospitalisation de mon père afin de le stabiliser. Aucun suivi de quelconque nature n'est mis en place, et à chaque aller-retour il faut espérer que le nouveau bout de papier sera le bon, celui qui fera tenir jusqu'au résultat de biopsie. Le diagnostic tombe, en même temps que mon père, cancer. Énième malaise duquel il ne se remet pas et arrivée du samu. Il désature et a de la température. Il a certainement le Covid. Test, prise de sang, scanner des poumons. Attente et retour à la maison. C'est au soir que l'on apprend qu'il a (pour le Covid on ne saura pas tout de suite, rentrez chez vous à jeun d'abord monsieur) en réalité fait une overdose de morphine, qu'il a frôlé la mort et dû recevoir l'antidote d'urgence. Non ce n'est pas l'hôpital qui en a informé ma mère, non il n'a pas été gardé en surveillance, c'est le médecin traitant qui a appelé ma mère ce soir après 20 heures. Nous saurons demain quel traitement sera envisagé pour son cancer, enfin peut être puisque, même alité, confus et immobilisé, il n'a pas le droit à un accompagnant pour ses rendez-vous. Alors ce soir je suis en colère, mon père ne mourra peut être pas du Covid, mais il mourra sans doute, faute de soins, de suivi, de son cancer, parce que l'hôpital français a chopé le Covid...
Mon père a d'abord été refusé à son Rdv avec la cancérologue puisque soupçonné de Covid « eh oui, il n'y a pas de prioritaire dans les résultats des tests ou alors il ne l'est pas, et le test effectué la veille n'était pas suffisamment fiable apparemment donc il est rentré, sans protocole de prise en charge, faire un autre test.
Négatif. Ma mère, victime collatérale du cancer et de l'aberration de son suivi, a fini par le faire hospitaliser, il est au service de la douleur depuis lundi après-midi. Ils pensent déjà le laisser rentrer comme ça ce week-end.
Court répit pour ma mère qui a perdu un peu moins de 10 kg depuis fin décembre et qui est à bout de forces et d'espoir...
La prise en charge est incertaine, pas de radiothérapie car trop utilisée la première fois, chirurgie risquée et une partie des médecins la refusent, pour la chimio il y a une autre objection qui m'échappe, ma mère attend désespérément qu'un médecin l'appelle car mon père est aphone et désespéré, elle n'est pas sûre qu'il lui ait bien expliqué....
Cercle sans fin. Pour savoir ce que dit Jacques il faut demander à Pierre de demander à Paul...
Le temps passe et mon père parle de se donner la mort pour éviter de finir sa vie comme ça, dans la souffrance et l'ignorance totale.
Voici une tranche de vie comme il y en a sans doute tant d'autres, trop d'autres.
Tout ça parce qu'on appuie sur la tête d'un Hôpital qui se noie déjà depuis longtemps...
A lui, à nous, merci pour ce que vous faites, je ne sais pas si cela s'appelle du courage, de la force, de la conscience, de l'intégrité, sans doute un mélange de tout ça !!
MERCI.
Marjorie, fille d'un homme qu'on laisse tomber, mère de 2 enfants que je veux voir VIVRE, citoyenne de ce monde que j'imagine meilleur...