22 février 2021
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Ma marraine a cent un ans. Elle a presque complètement perdu la vue et de l'audition aussi, et ne pouvait plus rester en appartement donc elle a dû être admise en EHPAD il y a un peu plus de deux ans. Elle s'y est adaptée avec l'aide d'une personne que j'appelle son accompagnatrice de vie, qui lui faisait sa lessive, de petits achats, et tenait avec elle des conversations pleines de vitalité provençale.
Cette accompagnatrice de vie est très précieuse pour ma marraine car la famille est très dispersée et personne n'habite à moins de 500 kilomètres de cet EHPAD.
Moi, je n'ai pas les moyens de faire de tels trajets et de payer un hébergement pour avoir la chance, peut-être, de la voir une heure par jour de loin.
L'autre source de résilience de ma marraine était la marche. Elle a toujours beaucoup marché depuis son enfance avec sa mère dans les collines de Provence, puis à Paris, en Catalogne, en Bretagne, partout où elle a habité. L'étendue de ces marches s'est restreinte, mais même avec un déambulateur elle avait beaucoup de plaisir à faire le tour du jardin assez vaste de son EHPAD, et s'en faisait un devoir quelle que soit la fatigue ou les douleurs ici où là.
Le premier confinement, pendant lequel elle a dû rester dans sa chambre sans aller au "restaurant," sans liens avec les autres résidents, et en ne voyant que rarement son accompagnatrice déposer le linge pour elle a été très dur. Mais elle disait : "je m'adapterai."
Un an plus tard, ce n'est plus "je m'adapterai" que j'entends tous les jours au téléphone, c'est : "Je veux mourir. C'est trop long. Je suis en prison."
Je lui ai promis que j'allais rejoindre des gens qui ne sont pas contents non plus que l'on fasse cela aux personnes âgées. Donc comme premier pas, je vous envoie ce témoignage.
Encore plus triste que tout le reste a été le jour où l'infirmière référente m'a répondu que ma marraine avait de la chance que quelqu'un l'appelle tous les jours au téléphone, que beaucoup de personnes âgées n'ont même pas cela.
Catherine SAINT-GUILY