4 mai 2021
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« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » cette phrase d'Aragon me revient sans cesse depuis quelques temps. Lorsque je vois mon père, attaché à son fauteuil dans l'EPHAD où il attend, emmuré dans son silence, d'où ne naissent ni sourires, ni pleurs... Juste des grands yeux ouverts sur l'abîme, des mains décharnées qui tentent de saisir des appuis qui se dérobent.
Il ne mourra pas du virus, vacciné, protégé et je rends hommage à ce personnel désemparé devant cette situation. Il va mourir d'un virus qui ne se dit pas, qui n'a pas de médicaments, ni de vaccin. Son esprit est déjà dans le chemin qui le conduit vers l'autre monde...lui, son corps est encore là, cette « écorce » qu'il laissera sur cette terre comme l'a dit le « petit prince ».
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » avec tous ces sourires cachés, ces mains qui ne se tendent plus vers l'autre, ces corps qui se distancient, ces espoirs qui s'effondrent, lentement, comme dans un film au ralenti, un travail qui ne tient qu'à une aide, des peurs savamment entretenues....
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » devant un avenir qui s'obscurcit, les « printemps silencieux » et les menaces écologiques qui plombent les insouciances adolescentes, où la jubilation de vivre se voile des risques d'effondrement ?
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » quand les horizons des « seigneurs » qui dirigent ne sont que les montagnes de profit, la gabegie des ressources naturelles pour un illusoire bonheur, possible par le seul asservissement des peuples ?
« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » on aimerait dire oui, c'est ainsi que les hommes vivent quand les valeurs de solidarité, d'entraide, s'enracinent dans leurs cœurs et que les corps dansent encore, dans les rues, que les sourires déchirent les tissus qui les bâillonnent, que les mains se tendent vers l'autre quelque-soit son âge, sa peau, sa peur, et que l'espoir des printemps plein d'oiseaux, des eaux claires, s'éclaircisse enfin...
Denis Donger