Témoignage de :

J’ai confiné mes poules

5 janvier 2021

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Au mois d'août 2020 j'ai confiné mes poules. Incapable de prévoir qu'avec la sécheresse toulousaine les tomates juteuses seraient convoitées par toutes les créatures, et trop paresseux pour installer
rapidement une clôture correcte, j'ai opté pour la solution facile : réduire l'espace des poules de 400m2 à 150m2.

Mes trois poules naines étaient l’attraction du quartier. La plupart des passants s’arrêtaient pour les regarder. Surtout les enfants. Elles nous ont été offertes par un couple allemand avant de rentrer chez eux en Vaterland. « A condition que vous ne les mangiez pas ! »

Chez nos amis les poules disposaient d'un terrain généreux et d'une mangeoire remplie de grains. Moi je n'ai pas aimé l'idée de les gaver comme on le fait dans les fermes. J'ai renoncé à mettre le grain dans leur mangeoire, les nourrissant assez irrégulièrement voire aléatoirement.

Les effets ont été spectaculaires. Le niveau d’intelligence de mes poules est monté visiblement. Forcées de gratter la terre à la recherche de grains, vers, insectes, limaces ( augmentation de l'exercice physique ) et aussi à une interaction très subtile avec moi ( plus de relations
sociales ), elles avaient les ingrédients fondamentaux pour nourrir leurs neurones. En plus de la gestion de leur hiérarchie complexe et fluide, les poules ont appris à « deviner » mon état d'esprit pour moduler leur comportement : « Faut-il faire du bruit pour que cet idiot nous amène enfin quelque chose à manger ? Crier fortement ou chanter doucement ? Qu'est qu'il a dans son bocal : tournesol bio ou saloperie de blé ? Il semble assez menaçant, il vaut mieux ficher le camp !
Peut-on essayer une petite incursion dans le potager ? »

La précision des logiciels dont mes poules disposent pour s'adapter à l’environnement ne cesse de m'étonner. Leur vie sociale se réorganise constamment en fonction des menaces ou opportunités qu'elles détectent. Toutes leurs actions se déclenchent et se déroulent avec une évaluation
constante du rapport bénéfice/coût. Je ne peux pas m'imaginer mes poules se lancer aveuglement dans une action « quoi qu'il en coûte ».

En août 2020, j'ai donc décrété le confinement. Aussitôt la paix de notre jardin s'est évanouie. Dès le début les poules ont manifesté leur mécontentement faisant moult vacarme, essayaient de franchir les clôtures par tous les moyens. Leur lieu préféré à l'ombre d'un arbuste était au-delà du « rideau de fer » ce qui augmentait sans doute leur frustration. Leur irritabilité alternait bizarrement avec des épisodes d'apathie, peut-être aggravés par la chaleur d'été. LE PIRE était le matin très tôt. Le tumulte torpillait systématiquement notre sommeil. J’étais obligé de sortir de mon lit pour essayer de les calmer craignant des possibles tensions avec mes voisins.

Je savais très bien que l'idée de les clôturer avait été une idiotie mais j'ai continué le confinement par inertie. J'ai même évalué avec mon épouse la possibilité de nous débarrasser de nos poules.

Jusqu'à la fin du mois de septembre, quand un maçon providentiel a débarqué chez nous pour réparer le trottoir autour de la maison. Pour la mise en place du chantier, j'ai démoli la clôture à la hâte. Quel soulagement !

Maintenant l'harmonie est de retour dans notre jardin. Sauf que... personne ne regarde plus nos poules. A part quelque chien qui se promène accompagné d'un humain muselé.

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