Témoignage de :

Je ne peux plus vivre

19 janvier 2021

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Mars 2020. J'avais une vie bien remplie, un boulot pour payer le loyer mais aussi mes loisirs, sports et activités culturelles quasiment tous les jours qui me permettaient d'évacuer le stress de la semaine et de voir autre chose qu'un écran. J'avais des projets plein la tête. Je venais d'arriver en vacances, au programme : randonnées insouciantes au grand air, loin du monde et de la pollution, pour faire une pause bien méritée. Et le chaos est arrivé. Les gendarmes sont venus menacer le gérant de la petite résidence où je louais pour qu'il vire tout le monde (3 appartements occupés sur 15). Retour entre 4 murs. Du jour au lendemain, plus aucune activité. Dix mois plus tard, je n'en ai toujours aucune. Si certaines ont laborieusement pu reprendre entre le 15 septembre et le 15 octobre, d'autres n'ont tout simplement jamais redémarré. Tout s'est écroulé, mes rêves brisés. L'épuisement m'écrase en permanence. Je souffre physiquement et moralement de ne plus pouvoir me dépenser comme autrefois, de ne plus pouvoir m'évader. De me lever tous les matins avec une seule certitude : aujourd'hui je vais bosser, puis rentrer me coucher. De ne plus pouvoir me projeter dans l'avenir, même proche. Chaque nuit je rêve que je meurs, mais ce n'est pas un cauchemar. Le vrai cauchemar, c'est lorsque je me réveille.

Je ne peux plus vivre ainsi.

Je ne peux plus vivre dans un État qui infantilise sa population à coup d'« attestation de déplacement dérogatoire», qui l'oblige à bien avoir son petit papier signé dans sa poche comme des enfants qui vont en classe verte. Qui lui martèle des conseils de « gestes barrières » comme s'il s'adressait à des gamins de 4 ans, parfois sous forme de bandes dessinées ou de dessins animés simplistes.

Je ne peux plus vivre dans un État qui culpabilise sa population, la rend responsable de la situation, l'accuse de propager le virus. Mais qui est responsable ? En serait-on là si l'hôpital public n'avait pas été sapé depuis 20 ans ou plus ? S'il n'y avait jamais eu autant de suppressions de lits en réanimation ? Si les médecins, infirmiers, urgentistes, avaient été écoutés lorsqu'ils ont tiré la sonnette d'alarme ? Si la santé n'avait pas été sacrifiée sur l'autel de la rentabilité ?

Je ne peux plus vivre dans un État qui criminalise sa population, où tout le monde est présumé malade et contagieux. Qui lui fait croire que l'autre est dangereux, à tel point que les gens s'écartent parfois les uns des autres pour ne surtout pas se croiser, reculent lorsqu'on s'approche d'eux pour leur demander quelque chose. Que des enfants n'osent plus embrasser leurs grands-parents, persuadés qu'ils vont les tuer.

Je ne peux plus vivre dans un État qui terrorise sa population, à coup de matraquage médiatique. Il n'y a plus que ça, partout : la terrible maladie. Toujours des chiffres plus effrayants, quitte à changer les indicateurs. Ou comment passer du nombre de morts au nombre de tests positifs, alors même que ces tests génèrent des faux positifs non négligeables. Toujours des cas – certes tristes – de gens qui ont perdu un proche malade du covid. Mais on meurt de beaucoup d'autres choses : de maladies bien pires, d'autres a priori bénignes, d'accidents, de crimes, de tristesse, de vieillesse.

Je ne peux plus vivre dans un État qui manipule sa population. Qui la maintient depuis des mois dans un état de psychose collective. Qui prend des décisions sans débat. Qui permet à peine, voire qui censure, une prise de parole à l'opposé de sa pensée monolithique : on agit pour votre bien, ce virus est terrible, il va faire des centaines de milliers de morts, seul un vaccin peut vous sauver. Ah bon ? Et la prévention par l'immunité, ne nous a-t-on pas dit par le passé que le sport et la vitamine D sont bons pour la santé ? Interdits par les confinements. Et les traitements qui donnent des résultats positifs en phase précoce de la maladie ? Interdits à cause d'une unique publication pourtant désavouée par la suite. À la place, prenez du Doliprane, qui a pour effet de limiter les réponses immunitaires et de vous envoyer à l'hosto si vous n'êtes pas solide. Et le principe de précaution concernant le vaccin, dont on ne connait ni l'efficacité réelle ni l'ensemble des effets secondaires ? Oh ça, c'est juste un détail, vu le fric mis dedans pour arroser les labos privés. Et le fait que la plupart des gens guérissent sans passer en réanimation, que ceux qui se retrouvent à l'hôpital ou qui en meurent sont presque tous âgés et atteints de comorbidités ? Et quid de tous ces gens atteints d'affections graves qui n'ont pas été soignés correctement ? Ces cancers détectés trop tardivement ? Et le fait que la grippe a disparu des radars ? Éradiquée grâce aux « gestes barrières » ? Mais dans ce cas, pourquoi pas le covid ? Alors comptabilisée comme covid peut-être ?

Je ne peux plus vivre dans cette société muselée, sans visage. Je ne reconnais plus les gens, ils sont tous pareils. Un masque bleu qui ne laisse voir que les yeux. Ce masque est un frein à la communication. Parole étouffée, expressions cachées. Aucun sourire. On interdit les interactions sociales, et on brise celles qui peuvent encore avoir lieu.

Je ne peux plus vivre dans cette société qui enchaîne les absurdités. Des gens seuls en pleine forêt avec leur masque toujours collé au visage. Des couples dans leur voiture avec leur masque aux aussi, alors qu'ils dorment dans le même lit le soir – à moins qu'ils ne le portent aussi pour dormir ou ne fassent chambre à part ? Des métros bondés et des supermarchés chargés alors que les lieux culturels sont désespérément fermés, quand bien même il y serait plus facile de faire respecter les règles sanitaires. La fermeture des magasins maintenue le plus longtemps possible avant Noël, ce qui a eu pour conséquence que tout le monde s'y est rué en même temps lorsqu'enfin ils ont ouvert. Des couvre-feux complètement inutiles. Et j'en passe.

Je ne peux plus vivre dans cette société divisée entre les « essentiels » et les « non-essentiels ». Mais ces « non-essentiels », privés de travail, paient des impôts ! N'est-ce pas essentiel pour le fonctionnement du pays ? Et pourquoi acheter un pantalon ou une paire de chaussures est-il moins essentiel que de la mousse à raser ou un plateau à fromage ? Tiens, la prochaine fois qu'ils font fermer les magasins d'habillement, il faudrait lancer l'opération « Tous à poil ! ». Et la culture, en quoi n'est-elle pas essentielle ? Elle permet de rêver, de s'évader, de s'ouvrir l'esprit, choses tellement importantes à mes yeux, plus encore en ce moment où notre horizon est si restreint.

Je ne peux plus vivre dans cette société déshumanisée. Où on n'a plus le droit de se toucher, de s'embrasser. Où un geste de bienveillance peut être perçu comme une tentative d'homicide (in)volontaire. Où on ne peut plus rencontrer d'inconnus. Où chacun est isolé dans son coin, sans interaction réelle. Les petits enfants apprennent les bases de la vie en communauté entourés d'adultes masqués qui gardent leurs distances. Seront-ils capables de communiquer correctement plus tard ? D'identifier clairement les expressions de leur interlocuteur, tout ce qu'elles disent en plus des mots ? De faire preuve d'empathie ? Le traitement des personnes âgées dans les Ehpad ne vaut pas mieux. Les priver de contact visuel et tactile d'avec leurs proches n'est-il pas une maltraitance affective ? Cela ne dégrade-t-il pas l'état de celles qui souffrent de troubles neurodégénératifs, voire ne risque-t-il pas d'en déclencher plus rapidement ? A-t-on le droit de laisser mourir seules ces personnes ? De tous temps les Hommes ont veillé leurs mourants. Et qu'en est-il de tous les autres ?

Je ne peux plus vivre dans cette société lobotomisée. Où les gens continuent de se décérébrer en restant scotchés devant un écran de télévision, puisqu'ils ne peuvent plus faire grand-chose d'autre. Où les gens ne se rendent même pas compte de leurs propres absurdités : « tu viens manger à la maison ? mais garde bien ton masque avant qu'on passe 4h à table les uns en face des autres... » Où les gens s'accommodent de la situation en haussant les épaules : « bof, ça finira bien un jour ».

Je ne peux plus vivre ainsi.

La liberté est bafouée. L'égalité est bafouée. La fraternité est bafouée.

Le bon sens même est bafoué.

On ne peut refuser de vivre au prétexte que l'on risque de mourir. De toute façon, on y passera tous un jour. Si certains préfèrent avoir une existence longue dans une boîte stérile à une vie plus courte mais pleine de rencontres, d'échanges, de rires, de pleurs, d'espoirs, de bêtises, libre à eux. Mais cela ne devrait pas être imposé à une population tout entière, au motif fallacieux qu'un virus nous menace. Il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Ils ont existé avant nous et seront encore là bien après.

Je ne peux plus vivre ainsi. De toute façon, je ne vis déjà plus. Je survis. Depuis des semaines.

Je ne veux plus vivre ainsi.

 

J.

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