Témoignage de :

LE BON BERGER

2 février 2022

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Comment enrayer un virus au sein d'un troupeau ?
Les bêtes respirent le même air, broutent la même herbe. C'est la promiscuité...

Le berger a l'idée de séparer les bêtes, faire de la "distanciation".
Pour le bien du troupeau.
Les bêtes parlent entre elles "parlons peu parlons bien, il va de l'intérêt de tous de se séparer". Naît le premier confinement des bovidés.

Le berger deviendrait inutile sans ses bêtes à surveiller.
"Laissons les paître à nouveau et gambader, mais donnons-leur un signe distinctif, il faut bien les reconnaître".

Voici que nos bêtes ont appris à s'éloigner les unes des autres, elles respectent la distanciation sans rechigner. Mais cela ne suffit pas, le maître l'a dit. Il faut désormais porter une muselière même si c'est un accessoire conçu pour les chiens.
Le berger sait mieux que ses bêtes ce qui est bon pour elles.
Ce que les bêtes redoutent par-dessus tout, c'est la souffrance. Or le berger, pour les préserver de tout comportement qui viendrait à les mettre en danger, leur parle du loup et de sa cruauté légendaire. Pour leur faire toucher du bout des pattes ce qui les attend si le virus venait à s'emparer d'elles, il leur parle du loup. Et cela leur parle !

Dans le regard de ces pauvres bêtes apeurées par la maladie, commence l'obéissance et la soumission.
Il ne faut surtout pas réfléchir, il faut obéir !

Les bêtes ajustent leur muselière sans rechigner, et servilement se tiennent à distance les unes des autres.
L'instinct grégaire les pousserait à se rapprocher, à chercher le réconfort dans la proximité de leurs congénères. Mais le maître a dit "non, c'est trop dangereux, gardez quelque distance, il en va de
votre survie". Les pauvres bêtes obéissent.
Dans la solitude, elles pensent au loup. Elles ont peur.
Le berger les rassure "la muselière vous réchauffera bien un peu au creux de la nuit, et puis affublées de la sorte, le loup ne vous reconnaîtra pa"

On voit alors notre troupeau disséminé ça et là. Chaque mouton semble égaré, mais le signe distinctif est bien là pour lui rappeler que son congénère n'est pas loin. Celui-ci pourra toujours intervenir,
si le loup venait à rôder par là....

Le mouton a certes un peu de mal à respirer, et puis pour brouter ce n'est pas évident. Mais le mouton est philosophe "on s'habitue à tout, avec cette muselière, je ne risque rien".
Il y a une seule chose qui gêne plus que tout le mouton, qui l'horripile. C'est d'apercevoir au loin quelque brebis égarée, sans la muselière ! "Comment ose-t-elle ? Elle va attirer le loup, et le virus!".

Un soir, c'en est trop ! la brebis qui s'était égarée, rejoint ses congénères, et tandis que le berger se repose la nuit, celles-ci déambulent, en bêlant, un chant de ralliement.
Cela contrarie fortement les moutons serviles, d'autant que le lendemain les brebis dansent au nez du berger !

Le berger a beau être bon, il a aussi sa fierté.

Le berger appelle ses chiens pour remettre dans le rang les brebis égarées. Certaines, apeurées, rectifient leur trajectoire ; d'autres s'aventurent un peu plus loin...
Pour dissuader celles-ci, le berger brûle les terres alentours, et l'herbe vient à manquer.
Voilà maintenant que ces désobéissantes désorganisent et portent préjudice l'ensemble de la confrérie !
Pour contrer un tout petit virus, on brûle la nourriture !

Le mouton obéissant se sent trahi, lui qui a fait tant d'effort, voici qu'il pâtit de la situation causée par ses congénères égoïstes.
Le berger le prive de nourriture par la faute de ces gourdes !
La colère donne du courage, il ne réfléchit plus, il va aller parler aux chiens, ils se chargeront bien de rétablir la justice...

(Béatrice GUILLO 23/01/2022)

 

 

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