10 février 2021
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Je suis une étudiante suisse de 21 ans, qui souhaite être infirmière.
Voilà maintenant plusieurs mois que je suis des cours à distance. Je suis toute la journée derrière un écran, de 8h15 à 16h30 (voire plus). On me demande de suivre, d’apprendre, de me concentrer et même de faire des travaux de groupe…tout comme si nous étions en classe ou « en présentiel » comme ils aiment le dire. Mais non je ne suis pas en classe, je suis seule, chez moi, derrière la froideur de mon écran d’ordinateur.
Tous les jours c’est pareil : je me lève, je prends mon petit déjeuner, je me lave les dents, j’allume mon ordinateur, j’essaie tant bien que mal de suivre et de retenir quelque chose. Ensuite pendant la pause de midi je vais me doucher, je me fais à manger et je mange avant de rallumer mon ordinateur pour essayer de nouveau de me concentrer et de prendre quelques notes. Quand enfin la journée de cours est finie, je me prépare et je sors marcher un moment, je prends l’air et ensuite je rentre et je travaille mes cours, encore devant mon écran.
Voilà à quoi ressemble mes journées depuis le mois de novembre. Je passe toute la journée dans mon appartement de 22m2, qui est devenu : ma chambre, ma salle à manger et en plus ma salle de cours et de révisions. Je suis seule du matin au soir. J’ai mal au dos car ma chaise n’est pas faite pour rester assise 8 heures. Et je dois tout mettre en œuvre pour essayer de rester concentrée devant mon écran.
Je fais partie de ces gens dont la capacité de concentration est faible. Cette année ayant enfin trouvé le domaine d’études qui me motive et me plait, j’avais réussi à mieux me concentrer pendant les cours en présence. J’étais fière de moi car je pouvais suivre le cours en prenant des notes et cela sans avoir des phrases incomplètes car j’avais décroché. J’ai compris que ce qui aide à la concentration c’est aussi le groupe et l’énergie du groupe tourné vers le cours.
Maintenant je me retrouve seule face à un écran qui me parle de divers sujets avec froideur, sans énergie et avec énormément de choses attirantes autour de moi. Et oui effectivement depuis que les cours se donnent de cette façon inadéquate, j’ai pendant certains cours fait autre chose que suivre, comme par exemple : ranger mes placards, changer mes draps, faire à manger, jouer à des jeux sur mon téléphone et même parler avec des amis sur les réseaux sociaux. Je ne me sens pas coupable car je sais pertinemment que je ne suis pas la seule. Et vous n’imaginez même pas comme il est difficile de suivre un cours derrière un écran…
Je fais aussi partie de ces personnes phobiques sociales. Alors oui quelle aubaine de ne pas avoir besoin de côtoyer d’autres humains ! Mais cette situation ne fait que convenir à une partie de moi. L’autre partie souffre de cette solitude, de cette absence de contacts. Car oui j’ai évolué dans cette phobie sociale, depuis plusieurs mois je ressens le besoin de faire de nouvelles connaissances, de ne plus être aussi seule et de ne plus me sentir rejetée. Mais à cause de cette situation d’isolement social provoqué par les cours en ligne, je ne peux plus progresser dans cette phobie, je stagne. J’ai une envie folle de rencontrer, de sortir et de profiter de ma jeunesse comme tout le monde, en étant entourée. Mais on m’en empêche, on me prive de ma jeunesse, de la possibilité de faire des rencontres et d’être pleinement épanouie. Au final on nous vole notre jeunesse.
J’ai la chance d’avoir une famille et quelques amis proches qui me soutiennent beaucoup et aussi d’avoir une forte détermination. J’ai donc la chance de ne pas avoir eu d’épisode dépressif ou même d’idée suicidaire, à cause de cette solitude profonde provoquée par les cours en ligne. Je sais que ce n’est pas le cas de tous les étudiants, beaucoup souffrent encore plus que moi de cette situation. Certains dépriment, d’autres sont découragés et n’arrivent plus à apprendre et à trouver du sens dans leurs études, et finalement certains en arrivent au pire : les envies d’en finir ou même le passage à l’acte.
Ne trouvez- vous pas dramatique que la jeunesse perde l’envie de vivre ? Ne trouvez-vous pas inquiétant que notre santé mentale soit à ce point mise en danger, alors que nous sommes le futur de cette planète ? Nous sommes votre futur à vous ? Ne trouvez-vous pas alarmant que la qualité de nos études soient sacrifiées ? N’avez-vous pas peur de vous dire que dans 4-5 ans nous rentrerons dans la vie professionnelle en ayant une formation bien moindre que celle de nos prédécesseurs ?
Et vous étudiants, n’avez-vous pas peur de perdre vos amis, peur qu’ils mettent fin à leurs jours ? N’avez-vous pas peur d’avoir une formation décevante ? N’avez-vous pas peur de rater vos examens après avoir eu des cours derrière un écran sans vie ?
Il faut vous poser les bonnes questions. Quel futur voulez-vous pour vous, vos enfants, vos petits-enfants ? Il est injuste de nous obliger à suivre des cours à distance, nous, étudiants post-baccalauréat, pendant que les plus jeunes continuent d’aller à l’école. Il est injuste de sacrifier notre génération !
Je ne supporte plus cette situation, je ne suis pas la seule, peut-être une des seules à oser le dire. Je fais des études fondamentalement humaines, pendant lesquelles je suis totalement déshumanisée. Alors s’il-vous plait, ouvrez les yeux, soyez critiques et aider nous à retrouver nos vies, nos libertés et nos formations de qualité ! C’est le futur de chacun et chacune d’entre nous qui est en jeu.
Cécile