Témoignage de :

Marcher dans la nuit

2 mars 2022

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Ils ont éteint la lumière, il fait nuit noire.

J’ai beau écarquiller mes yeux, je n’y vois rien… J’ai l’impression que quelqu’un me poursuit, je le sens. Il faut que j’avance. Je tâtonne, je marche à pas de chat pour éviter les obstacles, et je finis quand même par trébucher. J’ai même failli me blesser ! Je suis pourtant passé par ici autrefois, mais dans le noir, c’est un autre monde. Je ne sais pas trop ce que je cherche, peut-être un interrupteur ou des amis. J’avance, prudente et téméraire en même temps.

Tout à coup, mes doigts de pieds m’envoient un signal : on dirait qu’il y a un trou. Bizarre, je n’avais jamais remarqué cela avant ici. Mais il a l’air bien grand. Je fais confiance à mes sensations pour contourner ce trou, ça a du bon de marcher pieds nus finalement !

***

Je me suis endormie, il fait nuit noire.

J’ai beau avoir les yeux à moitié fermés, une carte mentale me guide par des images. Je connais cet environnement comme ma poche.

Somnambule, je marche dans un état d’éveil inconscient, sans me cogner. Je me sens bien. Je parle, des voix me répondent. Elles m’ordonnent de faire ceci ou cela, j’obéis sans sourciller. Mais si l’on veut me réveiller, je me mets en colère. Je continue mon chemin, forte de mes certitudes. Tout à coup, le sol se dérobe sous mes pieds, je tombe, mon estomac me sort par les trous de nez. Le réveil a sonné, ce n’était pas un rêve. Je me vois plonger dans le vide. J’ai été engloutie par un gouffre béant. Comment est-ce possible ? Il n’y a jamais eu de trou ici !

***

Pourquoi ont-ils éteint la lumière ?

Je continue mon chemin, plein d’interrogations et de doutes, poussé par une force intérieure. Alors que je n’y croyais plus, j’entends des pas, des frottements, une voix fluette. Un jet de lumière, une lampe de poche ! Je dirige mes pas vers la lumière, en faisant attention de ne pas tomber dans le trou. Lumière. Sourire. Moi aussi.

Tu veux une lampe de poche ? Oui, plus il y a de lampes de poches, plus on rit !

Le gouffre est énorme et tellement profond que même à la lumière de nos lampes de poches, nous ne parvenons pas à voir ce qu’il y a au fond. Nous décidons d’avancer à deux dans la nuit. De ce que nous pouvons en voir, il nous semble que le paysage a beaucoup changé. Je me sens plus forte, c’est peut-être grâce à la lampe de poche, ou plutôt, parce que je n’avance plus seule. Nous ne savons toujours pas très bien ce que nous cherchons. Peut-être un interrupteur ou d’autres âmes errantes.
Essoufflés, nous ralentissons le pas puis nous nous asseyons pour faire une pause. Le temps est suspendu. Une ombre se dessine sur le noir, une ligne sinueuse découpe l’horizon. Les pics d’une montagne, et tout près de nous, des formes d’arbres enchevêtrés dans des ruines en béton. La douceur d’un rayon de lune. Poussés par le vent, les nuages s’inclinent. Et nous, nous réalisons qu’elle était là depuis le début, la lune, veillant sur nos âmes. Dans ce pâle reflet du soleil, nous décidons de retourner sur nos pas, voir ce qu’il y a dans le gouffre.

***

Je reprends mes esprits, quelle souffrance !

Autour de moi, des corps, cassés, par milliers.

Quelques regards hagards me fixent L’étincelle est rallumée.

Dans nos yeux demi-morts, demi-vivants.

Un rayon de lune caresse ma joue ensanglantée.

La tendresse, je ferais tout pour retrouver un peu de tendresse !

Mais comment sortir d’ici ?

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