1 février 2021
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Mon père était placé dans une bonne maison de retraite. Il avait perdu toute autonomie physique et psychique suite à un accident sur la voie publique qui avait nécessité une opération du col du fémur.
C'était un homme cultivé qui avait mené une brillante carrière de professeur et chercheur. Il était âgé de 81 ans en 2020. J’étais très proche de lui et je m' adaptais à son nouvel état. Lui même avait trouvé ses repères dans cette maison de retraite, tout doucement au bout d'un an d’hébergement.
Lors du premier confinement, je pouvais venir le voir derrière une table et un séparateur dans le jardin et quelque fois à l’intérieur.
Les conversations étaient très difficiles. Nous avions droit aussi à de brèves (30mn) communications par skype tous les 10 jours. La maison n'ayant pu obtenir une autre tablette pour l'ensemble des résidents.
Je me souviens d'un jour ou il m'a murmuré qu'il se croyait abandonné, ne me voyant plus aussi souvent qu'avant.
Au mois de novembre 2020, il a été testé positif au covid 19, suite à des tests systématiques. Après le choc de la nouvelle, je me suis rassurée toute seule, car il n'avait aucun symptôme.
Il était comme d'habitude en apparence, riait, plaisantait, taquinait le personnel. Il était cependant complètement isolé dans sa chambre. Je peux imaginer sa tristesse maintenant, lui qui cherchait toujours à être libre dans ses pensées. En aucun cas il aurait pu imaginer une fin de vie isolé de ses proches et enfermé dans une pièce. Il m’avait toujours dit qu'être en prison serait insupportable pour lui.
Au bout d'une semaine sans symptômes, le médecin m'a cependant avertie qu'il pouvait y avoir un rebond de "la maladie" entre le 8° et 10° jour d'infection. Là encore je me suis rassurée, ne voyant pas de maladie. Puis il y a eu ce coup de téléphone le samedi matin, le 9° jour, où on m’a annoncé son décès brutal dans la nuit. Le matin en apparence il était heureux et plaisantait. C 'était un homme surtout respectueux et gentil. Il avait eu un petit peu de fièvre la veille au soir, c'est tout. Il s'est endormi. Une belle mort, sans souffrance physique, mais tellement brutale, tellement isolée et triste, que je garderai longtemps cette boule de chagrin qui me revient souvent sans que je m'y attende.
Bien sur après il y a eu toutes ces formalités désagréables liées aux décédés sous covid. Mais quelle importance pour moi... à coté de cette dernière semaine où il est resté tout seul.
Cette tristesse est aussi accompagnée d'une grande révolte : détecté positif à temps, il n'a eu droit à rien, si ce n'est du Doliprane le soir pour sa fièvre. C’est d'autant plus absurde qu'il avait pris de la nivaquine pendant un séjour de 6 ans en Afrique sans aucune séquelle comme nous tous !
Merci de m’avoir lue.