Témoignage de :

Parole d’une ancienne sage femme

29 octobre 2020

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Ce week-end, je suis allée me faire faire les ongles, parce qu’en plus d’être une connasse complotiste, je suis aussi une femme futile… Et en discutant avec ma prothésiste adorée, j’ai enfin pu mettre des mots sur le mal être que je ressens et que mes proches essaient de gérer en m’envoyant des sirènes diverses et variées depuis quelques temps: l’angoisse et la colère…

Je vais commencer par la colère.

Soyons honnêtes, chacun a compris que toutes ces mascarades ne servent qu’à sauver l’hôpital public. Et bien tertous, comme on dit chez nous, c’est trop tard! Il fallait vous réveiller avant…quand il y avait des grèves, des revendications, des manifestations. Mais qui écoutait les soignants en ces temps là? J’apprends hier que les hôpitaux se voient obligés de transférer. Diantre! J’ai quitté ce foutu système en 2014. Nous transférions déjà depuis longtemps et régulièrement. Nous faisions face à la pression des chefs de service pour éviter au maximum les transferts (surtout continuer à gagner de l’argent) et ensuite à la colère des patientes qui partaient accoucher dans une autre maternité. En 2009, quand je suis arrivée à la mater pour Petite Dernière, ma première question n’a pas été « l’anesthésiste est-il dispo pour ma péri? » mais « les filles, y a-t-il des lits? ». Onze ans après j’ai encore une pensée émue pour la pauvre dame à qui j’ai piqué le dernier lit, qui lui avait été attribué et finalement enlevé…et pour toutes les autres, arrivées après moi (il n’était que 22h) et qui n’ont pas eu de lit avant le lendemain… Pour faire suer (j’essaie d’être polie), j’ai fini par expliquer aux patientes qu’elles avaient le droit de refuser le transfert, il fallait quand même que le grand manitou (notre grand professeur) se rende compte que 5700 naissances dans une maternité prévue pour 4200 et sans personnel ni lits supplémentaires, ça coince!! En obstétrique, comme dans tous les « services urgences » c’est à dire les services à l’activité peu ou pas programmée, tant que la politique hospitalière (validée par certains médecins) se basera sur le nombre de lits minimum à avoir, et bien ce sera la débandade au moindre imprévu. Si la médecine avait comme principale caractéristique la régularité du nombre de malades, nous serions dans une situation autre…

La colère, aussi, quand j’entends ce matin que les « rassuristes » ne seront plus invités sur les plateaux TV et que les « gentils citoyens » applaudissent en arguant que les journalistes font enfin du journalisme. Et bien non, chers concitoyens, ils appliquent au contraire la censure dans son expression la plus simple. Le travail du journaliste est de rester impartial et factuel, pas d’influencer le peuple pour parvenir à la pensée unique, crise sanitaire ou non. De plus, la science a toujours avancé grâce aux débats, aux expériences, aux tâtonnements et non grâce au dogme. Mais j’y reviendrai.

La colère enfin à chaque fois que j’entends qu’un membre du conseil scientifique donne ses ordres sur le confinement de son lieu de villégiature, qu’un réanimateur qui diffuse un message de peur et d’obéissance depuis février se trouve en croisière avec 700 personnes pendant que le couvre feu se profile, ou que cette chère Mme Macron, qui je le rappelle fait partie des personnes à risque (67 ans) continue de vivre sa vie comme elle le souhaite. Faîtes ce que je dis, pas ce que je fais. En version médecin, obéis et prive-toi pour ne pas emboliser mon service et laisse-moi vivre ma vie!

L’angoisse maintenant.

En premier lieu, l’angoisse provoquée par les arguments entendus…

« Tu critiques mais regarde les autres pays font pareil ». Alors je vous demande pardon par avance pour l’analogie choisie, mais en 1940, au sein d’une Europe battue par les nazis, l’un des seuls politiques britanniques qui refusait de signer un accord avec Hitler était Churchill. Je pense qu’il était isolé mais raisonné… Mon cher et tendre adore dire « la vérité n’est pas toujours dans la majorité », je lui pique! Et que dire de l’argument « telle génération a souffert donc c’est normal que les jeunes fassent des efforts »??? Alors les jeunes, nous leur laissons déjà un sacré merdier écologique, économique (et ça ne va pas s’arranger) et idéologique et je pense que ça suffit! De plus, il est peut-être temps de s’appuyer sur le très judéo-chrétien « ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’il te fît » et le modifier en « n’espère pas pour autrui ce que tu n’as pas aimé vivre », non? Ceci dit, avec ce genre d’argument, on peut rire un peu: la prochaine fois que je sors de chez le dentiste, je colle une tarte à la première personne que je croise, pas de raison que je sois la seule à souffrir!!

L’angoisse ensuite de voir la façon dont le dogme scientifique (j’y suis revenue!) apparaît aux yeux de la plupart comme une vérité absolue, la nouvelle religion. Au mois d’août, le docteur Louis Fouché, réanimateur dans un hôpital public de Marseille, signe une tribune pour expliquer qu’il faut prendre un peu de recul sur ce virus, en s’appuyant sur son expérience de réanimation AU LIT du malade. Et bien quelques jours plus tard, un article de l’Express titre: « Covid 19, comment le virus du complotisme s’est propagé chez certains médecins » en citant la tribune de Louis Fouché. J’ai vérifié, Mme Cécile de Sèze, auteur(e) de cet article, a fait une école de journalisme, c’est déjà rassurant, mais aucune trace d’une quelconque année de médecine (merci Linkedin). Alors comment en est-on arrivés là? Comment une journaliste n’ayant aucune compétence médicale peut-elle remettre en question les propos d’un médecin qui a géré des patients Covid, l’organisation d’un service de réa à flux tendu et qui en fait un retour d’expérience? Et on ne s’arrête pas à la simple remise en question, le taxer de complotiste?? On en revient encore à la pensée unique, colère et angoisse…

L’angoisse encore quand je regarde les chiffres et que je n’y comprends rien. Aujourd’hui, 19 octobre, arrondissons le nombre de personnes positives en réanimation à 2000 personnes. J’insiste bien sur personnes positives car il est avéré que si tu entres en réa pour une toute autre pathologie mais que tu as le malheur d’être positif au test (obligatoire dès que tu mets un orteil à l’hôpital en tant que patient) et bien tu entres dans les chiffres Covid même si tu n’es absolument pas malade du Covid. J’essaie de m’appuyer sur des exemples de la vie courante quand je ne parviens pas à me représenter les proportions. Le zénith de Lille peut accueillir 7000 personnes, je crois donc que je n’assisterai plus à aucun concert, ce serait prendre bien trop de risques en cas d’attentat, incendie, mouvement de foule…l’hôpital serait débordé… Ok, là c’est du mauvais esprit, j’arrête.

Pour finir et surtout, l’angoisse quand on me traite à demi-mot d’assassin parce que je refuse d’accepter sans réfléchir les injonctions, les avis, les ordres et autres délicatesses politiques, sanitaires et journalistiques. Et c’est d’autant plus blessant lorsque cela vient de proches. Oui, je pense que les mesures liberticides sont trop extrêmes. Oui, je pense qu’il faut surtout que les « vulnérables » (je déteste ce mot, je le trouve victimaire, j’espère mourir avant de l’être, vulnérable hein, pas victimaire!) se protègent, et que l’on ne peut sacrifier une ou deux générations socialement et économiquement au profit d’une autre. Mais depuis le début, je respecte les règles. je n’ai pas triché, je porte le masque, j’ai annulé mes vacances. Je ne parle volontairement pas du lavage des mains, car on dirait que les gens le découvrent…et bien non, aucun découverte, il est normal de se laver les mains plusieurs fois par jour, Covid ou pas. Oui, je suis allée à un mariage avec 200 personnes mi-septembre, mais je n’ai côtoyé aucun « vulnérable » les 15 jours suivants. Je précise d’ailleurs que ce n’est pas notre mode de vie personnel quelque peu festif qui nous empêche de voir nos grands-parents, ou arrières grands-parents, mais simplement nos vies professionnelles et scolaires où nous croisons énormément de monde. Je propose donc de prendre rendez-vous le 20 juillet, ce sera les vacances depuis 15 jours, pour fêter Noël, Nouvel An, les anniversaires et compagnie tous ensemble. Je suis sarcastique mais je vais mal, c’est un moyen de défense.

Quand j’étais élève sage-femme, j’ai dû apprendre la définition de la santé selon l’OMS: « état complet de bien être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Et bien on est en train de rendre de très nombreuses personnes malades mentalement et socialement pour qu’un peu d’autres ne soient pas malades physiquement… drôle de vie…drôle de monde où le vrai problème est peut-être que l’idée même de la mort est devenue inacceptable.

Je remercie les personnes qui sont allées jusqu’au bout de ce post, il fallait du courage.

Je remercie mes proches, famille ou amis, qui me soutiennent en ce moment, il vous faut beaucoup de courage, je vous aime.

Je vais tenter de rester idéaliste et croire que la démocratie est encore une réalité.

 

P.S: je remercie aussi les « rassuristes », ils ont peut-être tort mais ils me font du bien. Les autres ont peut-être tort mais ils me font du mal.

 

 

 

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