Témoignage de :

Se faire imposer une vie qui n’est pas de qualité

14 janvier 2021

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J'avais envie de vous partager mes réflexions sur la qualité de la vie.

Ce matin je repensais à la fin de vie de ma grand-mère.

C'était il y a longtemps, bien avant le Covid.

Suite à un accident grave, alors qu'elle était âgée, et alors que les médecins nous avaient prédit le pire, elle est sortie de réanimation.

A l'hôpital, elle a fait des progrès spectaculaires.

Puis ce fût l'étape de la rééducation en maison spécialisée.
L'objectif de ma grand-mère était de retrouver son autonomie pour pouvoir rentrer chez elle et poursuivre sa vie, sa fin de vie, selon son choix de vie, son libre arbitre, sa conscience, son âme.

Mais la peur a incité plusieurs de ses enfants à l'en dissuader, notamment une de mes tantes qui avait beaucoup d'ascendant sur l'ensemble de ses frères et sœurs.
Une tante qui, en fait n'était pas du tout objective car elle se sentait coupable du fait que l'accident était survenu chez elle et qu'elle répétait à qui voulait l'entendre que "elle ne se le pardonnerait jamais" si un nouvel accident devait arriver" alors que ma grand-mère se trouverait seule chez elle et que, donc, il fallait absolument "empêcher ça".

Face à la pression de ses enfants, ma grand-mère n'a pas osé s'affirmer.
Je l'ai vue plusieurs fois pleurer en tentant de faire entendre sa voix, avant de renoncer et de se taire.

Son état qui s'était remarquablement amélioré, déjouant tous les pronostics même les plus optimistes, s'est alors rapidement dégradé. Elle mangeait à peine, restait assise dans son fauteuil en refusant tout exercice, le regard dans le vide.
Un jour ma mère m'a dit "tu sais, ta grand-mère est comme une bougie qui est en train de s'éteindre, Je crois qu'elle n'a plus envie de vivre ".
Je ne voulais pas l'entendre, j'avais trop mal au cœur.
Et pourtant, ...

J'étais jeune et je ne me croyais pas légitime sous prétexte que j'étais la petite fille, "seulement la petite fille", alors que ses enfants avaient décidé pour elle ce que eux considéraient être le mieux (très fortement influencés par cette tante qui avait un fort ascendant).
Pourtant, ma grand-mère avait toutes ses facultés mentales.
En théorie, au moins, c'est elle qui était supposée décider.
Malheureusement, elle n'a pas osé aller à l'encontre de "la volonté générale de ses enfants" ("volonté générale" très fortement influencée par cette tante qui se sentait coupable et qui avait peur).

Moi même, je n'ai pas osé, pas osé m'affirmer et soutenir son désir de terminer sa vie comme elle l'entendait, selon sa liberté de choix et de conscience.
Je n'ai pas osé aller "à l'encontre de la pensée dominante" de ceux qui croyaient savoir et qui avaient l'air de "mieux savoir".

Combien de personnes fonctionnent de cette manière là, depuis des mois? à ne pas réellement oser... s'affirmer dans sa vérité, sa liberté de choix ?

Je regrette de ne pas avoir eu ce courage à ce moment là de ma vie et j'ai besoin de me pardonner, de ne pas avoir osé, de ne pas avoir osé me considérer comme légitime à porter une parole différente, légitime à être en désaccord avec... finalement "l'omerta de la peur et de la culpabilité" essentiellement portée par une personne, mais qui a fait écho sur les peurs des autres et surtout sur la peur des autres de se sentir coupable "s'il y avait un nouvel accident".

Combien, aujourd'hui, sommes-nous à nous interroger sur notre légitimité à penser différemment ?, surtout quand on nous oppose les arguments de la peur et la culpabilité ?

Une vie motivée par la peur et la culpabilité peut elle réellement être de qualité ?

Qu'est-ce qui est le plus important ? : avoir une longue "vie" en mode survie" dans un monde dominé par la peur et la culpabilité ?? ou juste une vie, dont on choisit la qualité, quelle que soit sa "durée" effective ?

Alors ce matin, en pensant à ma grand-mère qui s'est laissée mourir de s'être laissé imposer une "vie de survie" qui ne lui convenait pas, je me suis posée cette vraie question : Quelle qualité de vie
est-ce que JE choisis ?

Merci de m'avoir lue,

S.B.

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