Témoignage de :

SUIS-JE COUPABLE MAMAN ?

30 juin 2021

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Merci à ceux qui liront jusqu’au bout. Je ne peux plus tout garder pour moi... Mon parcours de vie est atypique. Comme beaucoup sûrement.
Depuis la naissance j’ai un lien particulier avec l’ADN et la science. En effet, j’ai un vrai jumeau ! Nous sommes le fruit d’une union charnelle et non pas d’une FIV. On partage le même code génétique, et restons encore un secret pour la science. Quoi de plus logique à l’adolescence que d’essayer de savoir, de comprendre, après avoir été nommé parfois « les clones »…
Et c’est ainsi que tout commence…
Mon inextricable envie de plonger dans les méandres de ces échanges, ces transformations, ces mécanismes qui dictent nos corps et nourrissent nos âmes.
J’étais, en 5ème, dans un gros collège d’environ 1000 élèves. Nous commencions la reproduction. Nous avons donc eu un contrôle sur la répartition des gènes au moment de la reproduction, et ce moment est gravé dans ma mémoire. Cela fait presque 20 ans aujourd’hui. Le prof de SVT qui n’était pas commode (il avait toujours la fameuse équerre en bois dans ses mains qu’il tapait sur son bureau dès qu’il y avait trop de boucan), s’avance au milieu des deux rangées de paillasse ma copie dans sa main. Il me regarde, me demande si j’ai travaillé (comme à tous les autres élèves). Je lui réponds fébrilement : « Heuuu, je crois ? » Ma copie est posée, la sentence tombe… 20/20 « Je n’ai jamais mis de 20 dans toute ma carrière de prof. C’est du très bon travail. Félicitations ! Merci! » Tous les élèves étaient contents pour moi et m’ont félicité. Juste un nombre sur un papier et des sourires, des applaudissements. J’étais le Roi du moment. Moi qui aimais être discret, j’ai profité de ce moment de gloire. Ce « merci » a bouleversé ma vie.
Moi, jeune gamin, élevé seul avec mon frère par ma mère qui n’avait même pas le niveau de brevet. Moi, jeune minot, qui voulait être cuisinier parce qu’il aimait bien manger et que les pâtes 4 soirs par semaine ne satisfaisaient plus. Moi, qui préférais le handball de l’UNSS du mercredi après-midi que lire des livres… La machine était lancée.
Une émission sur la progéria et les maladies infantiles ont enfoncé le clou. Il fallait que je devienne généticien, que j’aide ces gamins de mon âge et ceux qui viendront après. Il fallait que je sache comment modifier l’ADN pour qu’ils puissent vivre comme moi. Courir et sauter comme moi. Avoir des amours comme moi. Vivre sans contraintes, simplement vivre.
Puis vint le brevet, une broutille que j’obtiens haut la main, avec en plus, au vu de mes très bonnes notes, une bourse du mérite que l’on m’accorde pour le lycée. Le lycée, un nouveau monde. Je m’inscris au club de handball de ma ville. Il fallait défouler toute cette rage et cette soupe d’hormones de mon corps.
L’année du Bac, scientifique option SVT bien sûr, arrive. Je n’ai aucun stress, même si les maths sont pour moi devenues une langue étrangère. Le seul stress que j’avais était le championnat de handball. Nous faisions partis des 3 favoris pour le titre de champion du Var en -18 ans. Nous étions une équipe soudée et unie, malgré notre petite expérience en club. J’étais arrière et demi-centre. Nous n’avions qu’un seul remplaçant. Autant vous dire que nous restions les 2x30min sur le terrain. Puis, un jour, mon frère passa au poste de gardien car l’autre avait arrêté… Plus de remplaçant, un gardien sans expérience et qui plus est, mon propre frère ! Il ne fallait en aucun cas pour moi qu’il se prenne des tirs. Il fallait que je le défende coûte que coûte. Il fallait qu’à chaque fois qu’un attaquant en face de moi arrive, je me sacrifie.
Le sacrifice, pas d’autres choix… Nous avons fini champions du Var ! Devant les équipes s’alignant avec le maximum de joueurs sur une feuille de match et certains même, en centre de formation. Nous aurions complètement ruiné les bookmakers, et fait gagner ceux qui croyaient en nous. Remarquez l’analogie avec la résistance d’aujourd’hui…
Cette année de terminale S, nous avions eu la fameuse visite des facs, des IUT, et des écoles, pour une journée portes ouvertes à l’orientation dans le lycée. Ni une, ni deux, une seule filière m’avait tapé dans l’œil. L’IUT de Biologie ! J’ai parlé pendant des heures avec les deux filles qui le représentaient et qui en plus, faisaient partie de l’association étudiante qui gérait les soirées, les commandes de matériels pour les étudiants, les sorties... La suite est claire. Un dossier d’inscription ! Les résultats tombent avant le passage du Bac (qui à l’époque, pour les plus jeunes, se faisaient sur quelques jours, avec un établissement par section. Les L dans tel lycée, les S dans un autre, les ES dans un autre, etc..) Encore une sentence qui tombe : « Nous avons l’honneur de vous informer que vous êtes sur liste prioritaire pour notre cursus DUT option Analyses Biochimiques et Biologiques (ABB), sous réserve d’obtention du Baccalauréat » Avouez que pour une famille qui n’a jamais eu de diplôme, ça le fait !
(Surtout que ma mère a dû fuir Madagascar à l’âge de 4 ans durant la guerre civile lorsque le pays a voulu son indépendance…) Donc sans surprise, j’ai passé mon bac un peu les mains dans les poches, et l’ai
obtenu ! (Rappelez-vous qu’il fallait que l’on gagne le championnat, alors mes priorités était déjà définies.) Cette année-là, 2007, fut aussi l’année des élections résidentielles. Certains de ma classe avait pu voter, avant même d’avoir voté pour des cantonales, régionales ou autres. 60 % de la classe et moi-même ne pouvions pas, nous n’avions pas 18 ans. Mais nous en parlions entre nous, sans se détester
pour les points de vue chacun, malgré notre faible connaissance sur le sujet. On parlait ! Et c’est le principal ! On parlait même de la peine de mort, sans se faire obligatoirement ostraciser ! A croire qu’il s’agit d’une époque très lointaine, pourtant si proche…
L’année 2007-2008, je me suis donc retrouvé en DUT de Biologie option ABB, et de surcroît, dans l’association Bioloisirs qui organise la vie étudiante de l’IUT ! Que de bonheur ! Cinq ans plus tôt, le génome humain fut séquencé, et j’étais là, moi, venant des bas-fonds, au milieu d’une ébullition génétique historique, espérant faire mon chemin, tracer ma voie dans les méandres de la recherche, jusqu’au moment où… la bioéthique fut un sujet primordial ! Le séquençage allait profiter à qui ? Aux chercheurs du domaine public ou privé ? Allait-on privatiser la connaissance au profit de laboratoires de recherches financés par des groupes privés ? Et ce n’est pas tout…
En deuxième année du DUT, les cursus se séparent pour laisser place aux options. ABB, GE (génie de l’environnement) et Diététique. Je ne faisais plus partie des meilleurs élèves et cela ne me dérangeait pas. J’étais déjà allé plus loin que toute ma famille et le handball était devenu mon fil rouge qui m’accompagnait depuis un moment. Nous avons été, avec notre même noyau de petits jeunes que les années
précédentes, champions du Var senior ! On fit monter l’équipe en championnat régionale en devenant champions des départementales senior (moyenne d’âge de l’équipe : 22 ans), ce qui était une première pour notre petit club depuis plus de 15 ans ! Quelle fierté !
En cette deuxième année, nous avions un exposé libre à faire en immunologie sur ce que l’on voulait ! La seule condition était 10min de présentation avec Powerpoint. Ma fougue, ma jeunesse, mon inconscience parfois, celle qu’on enlève aujourd’hui aux jeunes, fut totalement mises à mal par ce simple exposé… En effet, après avoir discuté avec plusieurs de mes camarades sur ce qu’ils allaient faire, je leur demande leur avis sur mon sujet. Un sujet qui, encore aujourd’hui fait verser beaucoup d’encre.
Le cannabis thérapeutique ! La boite de Pandore est ouverte. A ce moment-là, il faut rappeler à tous, que les scientifiques du monde entier font des recherches sur le chanvre et ses molécules pour toute sortes de pathologies. Entre 2000 et 2007, plusde 9,000 articles scientifiques ont été publiés !!! Les profs savaient pour la plupart, les élèves, pas du tout. Évidemment, mon sujet « le cannabis thérapeutique a-t-il des effets sur notre système immunitaire pour certaines pathologies ? » a été mis sous clé, placé sous silence, et a été enterré comme la vulgaire recherche d’un jeune plein d’ambition que l’on condamne à se taire au prétexte que « cela pourrait inciter les élèves à la consommation ». Pourtant ma conclusion était simple : « de nos jours (en 2010), la recherche scientifique n’a pas trouvé de consensus sur l’utilisation de ces molécules dans le domaine médical. »
Je n’avais jamais été aussi dégoûté de ma vie. Même la séparation avec mon premier amour (si tu me lis ne m'en veux pas) fut moins douloureuse. Pourquoi mon institut de biologie m’interdit la mise en avant de travaux scientifiques fondamentaux dans la recherche médicale à la seule excuse que cela inciterait les étudiants à en consommer ? Ils n’ont pas besoin de moi et loin de moi cette idée... Aujourd’hui le cannabis thérapeutique est utilisé dans pleins de pathologies. Le nombre total de publications s’élevaient à plus de 15 000 en 2016 ! Et aujourd’hui, il y a même des conventions internationales sur le sujet !!! Je me suis rabattu avec désespoir sur le virus Epstein-barr, un des virus les plus communs pour l’homme. C’est la maladie du baiser ou mononucléose pour les non scientifiques, que l’on attrape très souvent à l’adolescence et qui, soit passe inaperçue, soit cause une grosse fatigue, mais c'est tout. J’ai eu 19/20, en passant dernier et en ayant seulement 5 min de présentation avant la sonnerie. A croire que mon exposé était bon, ou que cette petite prof d’immunologie s’en voulait malgré tout de couper l’herbe sous le pied d’un étudiant...
Aujourd’hui, rien que ce nom, Epstein, peut faire froid dans le dos à beaucoup d’entre nous… Ce jour-là, j’ai compris. Soit je rentre dans le moule et me fonds dans la masse pour arriver à mes fins, soit je laisse tomber. Ce jour-là j’ai compris. Même dans les lieux où l’on est censé nous apprendre la rigueur scientifique et les précautions qu’il faut prendre pour parler de certains sujets polémiques, ce n’est pas le cas. La politique à infiltré la science, la recherche, le domaine médicale. La corruption ne date pas d’aujourd’hui. Toute coïncidence avec ce qu’il se passe aujourd’hui est évidemment fortuite !!!
Alors, après mes études, j’ai changé de voie. Je me suis mis à faire du social, et surtout avec les enfants. J’ai été animateur socio-culturel un petit moment. J’ai planté des graines dans la tête de vos enfants durant des séjours en classe de neige, classes vertes et colonies de vacances. Je leur ai appris que certaines règles ne sont pas faites pour leur mal et que d’autres était inutiles. Je leur ai appris que le respect
commence par la parole impeccable. Que l’on pouvait leur pardonner leurs bêtises si celles-ci n’affectaient pas la liberté et le respect d’autrui. Je leur ai appris qu’ils pouvaient être eux-mêmes sans avoir peur du regard des autres. Je leur ai montré que paraître ridicule aux yeux de quelqu’un ne veut pas dire qu’on l’est. Je les ai arrosés de lait de chèvre directement du pis lors de visites à la ferme, alors que cela m’aurait valu une remontrance. Ils ont tous goûté le lait de chèvre après, avec un sourire qu’on imagine n’être que celui des anges. J’ai fait le silence dans une salle où 100 enfants et leurs 5 instituteurs et les autres animateurs n’arrivaient pas à obtenir le silence avec leurs « Chut ! Taisez-vous », rien qu’en levant ma main au ciel. J’ai donné confiance à des enfants considérés « autistes » parce qu’ils ne pensaient pas pareil que ceux de leur âge, à parler devant tout le reste de la classe. J’ai dit à un petit Kabyle que lorsque nous avions visité le siège de l’ONU en Suisse, qu’il ne se gêne pas pour poser au guide des questions qui lui tiennent à cœur, car je suis là et je le protège. Même s’il avait peur de la réaction des maîtresses présentes. « Monsieur ? Pourquoi le conflit Israël/Palestine n’est toujours pas réglé ? Vous êtes censés faire la paix dans le monde ? » J’ai canalisé des enfants qui avaient un TDA (Trouble Déficitaires de l’Attention) pour qu’ils deviennent des chefs de files, rien qu’en leur donnant une responsabilité bénéfique pour tout le monde. (« Je te nomme chef des lits ! Ta mission est, après avoir fait ton lit correctement, te balader dans les chambres des copains et aider ceux qui ont du mal, parce que toi, tu fais ça vite et bien ! Je te fais confiance et viens me voir si il y a un souci.») J’ai fait en sorte que les règles les laissent libres. Un rire de gosse ne doit pas être arrêté par des « chut », seul un regard suffit quand ils abusent ou en rajoutent un peu trop. J’ai fait chanter et danser même les plus timides et les plus complexés. J’ai libéré un enfant, nommé Ange, qui était puni de veillée tous les soirs parce qu’il était renfermé sur lui-même, ne supportait pas l’autorité, ayant un père violent et une mère alcoolique. Quitte à avoir des remontrances (à contre cœur) de mon directeur. On ne s’occupe pas des enfants des autres animateurs. Son instituteur n’ayant plus la patience ou ayant d’autres choses à faire, je ne lui en veux plus. Cet enfant « rebelle » venait manger à ma table tous les midis et tous les soirs
après çà. A la fin du séjour, j’aurais aimé avoir le don d’ubiquité pour que tous les mômes qui voulaient manger avec moi puissent le faire… Pardonnez-moi les mômes, j’ai fait de mon mieux pour être un peu à vous tous...
A ma table, ils finissaient tous leurs assiettes, même des légumes ! De la soupe ! Et pourquoi ? Parce que je mangeais de tout, contrairement aux autres animateurs (pas tous), qui rechignaient devant des brocolis ou de la soupe (« Ahhh ! C’est pas bon ! J’aime pas ! » Tu as le droit de pas aimer, mais ne dis pas que ce n’est pas bon) !
Ceux à ma table finissaient leurs assiettes, en redemandaient parce que je le faisais avec le sourire et la joie de vivre d’un gosse. Certains même léchaient leurs assiettes, et, en riant, je leur disais que c’était pas nécessaire mais qu’ils pouvaient le faire discrètement parce que c’est des mômes et l’irrévérence qu’ils ont est une source inépuisable d’inspiration. On a même fait une compétition de l’assiette la plus propre après s’être servi deux, voire trois fois de la soupe de légumes! Alors oui, condamnez-moi à être celui qui passe pour un plouc, un beauf, un « je-ne-sais-quoi », mais je sais au plus profond de moi que je les ai bouleversés à jamais… Que la Liberté est censée être innée. Qu’elle ne se demande pas, mais se reprend si on nous la vole. Que peu importe d’où nous venons, des hauts plateaux comme des bas-fonds, elle est censée être la même pour tous. Que rire est un droit inaliénable et sacré. Que danser, ce n’est pas seulement des chorégraphies. Que notre unicité est notre plus grande force…
Alors Maman, suis-je coupable ? Moi qui ne t’ai pas écouté et me suis inscrit au conservatoire de Jazz, même si tu disais qu’être musicien ce n’est pas un métier. Toi qui es partie à même pas 50 ans d’un cancer foudroyant, il y a 3 ans. Dis-moi, toi qui vois tout. Est-ce que je m’occupe bien de ma petite sœur de 11 ans, moi qui suis devenu son tuteur quand elle en avait 8 ? Nous qui vivons maintenant avec Mamie, presque 80 ans, diabétique et qui refuse cette thérapie génique. Moi qui ai fait de la biologie, biochimie, microbio, viro, immuno, pharmaco, etc… Moi qui, avec mon demi-groupe de classe, avons même fabriqué un plasmide en TP, un des plus difficiles à suivre mais des plus intéressants, sans savoir ô combien cela pouvait être autant bénéfique que son contraire s'il était mené par de mauvaises personnes.

Dis-moi, Maman, toi qui me vois de là-haut, dois-je continuer à dire aux gens que les mesures de ces pseudos intouchables sont stupides et qu’on apprend avant 20 ans que l’ARNm étranger injecté dans nos corps, ne doit pas se considérer comme un sucre à prendre ou une aspirine ? Dis-moi Maman, est-ce que tous mes choix de vie m’ont amené ici pour que j’ouvre ma bouche pour dénoncer ces cas de sciences consciencieusement conclus pour converger vers une liberté virtuelle ?
Tu nous manques Maman… et je n’ai pas envie que d’autres perdent leurs parents, ou certains leurs enfants, par manque de savoir.
Pardonne-moi si je dois remettre à leur place les "nofakemed", zététiciens du virtuel et autres corrompus. Je ne peux plus laisser passer ça avec ce que je sais. Qu’ils se préparent à tomber dans les oubliettes de l’Histoire.

Pardonne-moi de devoir l’ouvrir, mais nous sommes tous en danger. Pardonne-moi de ne plus vouloir rester dans l’ombre et de vouloir aider ces gens de tous âges qui ne savent pas.
Pardonne-moi de ne pas vouloir que d’autres vies soient gâchées inutilement.
Pardonne-moi de pas avoir eu la vie dont je rêvais.
Pardonne-moi, mais aujourd’hui le silence me tue plus qu'il me protège...
Pardonne-moi d’avoir été sur beaucoup de chemins différents et trop curieux de comprendre ce monde.
Pardonne-moi si je suis coupable de n’avoir rien dit au monde pendant un an et demi...
Pardonne-moi si je dois donner ma vie, mon temps et mon énergie, pour que les générations futures sachent ce qu'est un sourire, la liberté, et la joie d'être soi-même.
Pardonne-moi de t’avoir dit tout le bien et le mal avant ton entrée aux soins palliatifs… Mais aujourd’hui, je ne peux plus garder tout ça pour moi...

Maman je t’aime…

Demain, des mères et des pères perdront leurs enfants. Des enfants et des jeunes perdront leurs parents.
Alors dis moi Maman, suis-je coupable de vouloir rendre les gens un peu plus intelligents ?
Merci à vous tous de m’avoir lu.
Erwann

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