Témoignage de :

Tribune pour les 18 ans de ma fille en Covidie

6 avril 2021

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Tribune pour ma fille Mélina, qui aura dix-huit ans en avril 2021, au temps de la Covid par Didier Pourquery de Boisserin, auteur, ancien
intermittent, accompagnant pour élèves handicapés.

Dix-huit ans pendant la Covid.
Ma fille va avoir dix-huit ans, c'est beau à cet âge d'avoir le cœur au printemps, le chant des promesses qui s'envole sur la rose des
vents. Elle dont je surveillais le souffle chaque nuit au-dessus du berceau, partageant avec les anges des secrets que je ne pouvais entendre. Elle m'a donné tous mes cheveux blancs, neige éternelle des papa : je ne pouvais la voir malade ou triste.
Pourtant elle jouait des coudes et des poings à l'école et je commençais à me dire que ça y était, j'avais réussi à la faire grandir, sur ce globe imparfait. Elle allait le croquer le monde, par son talent créatif, sa joie de vivre, ses tubes chantés en coréen ses chorégraphies exécutées au milieu du salon...Pour ses dix-huit ans, on allait lui faire une surprise inoubliable, aller à la mer, inviter dix-huit copines par surprise, faire un tour du quartier à dos d'éléphant ou nager avec un dauphin... Désolé ma fille, je n'avais pas prévu ça, la vie pour laquelle je pensais t'avoir préparée nous a mordus sournoisement, pendant que nous dormions.

On t'a volé ton beau visage et tes lèvres carmines, fermé tous les paysages, emprisonné tes copines. Je n'ai pas su te protéger du monde qui a
basculé hier dans un nouvel univers, celui des ogres et des fous, des esclaves volontaires qui se font chiens de garde jusque dans les rangs de ta classe. Je sais que tu es forte ma fille, petite princesse qui loge en mon cœur comme l'oiseau de la joie, tu peux leur résister, tu peux arracher le bonheur
au milieu des tempêtes et rire du courroux des dieux qu'on leur prête.

Mais comment naviguer sans boussole, sans astre et sans gouvernail, pourquoi la faire, la grande traversée de ta vie si on a brûlé toutes les cartes maritimes, si les bateaux ne mènent nulle part, si l'horizon est un cauchemar ? Alors, on va le leur dire à tous, à tous nos frères qu'ils soient
d'accord ou non, ils sont notre famille humaine après tout on est bien obligés de s'entendre, on va leur écrire, leur parler à tous. On va leur dire ce qu'eux et leurs enfants ont besoin d'entendre, parce qu'ils sont parents eux aussi et aiment leurs enfants autant que je t'aime. On va leur dire que, non, vous n'êtes pas des criminels, mes enfants parce que sur vos joues vous souhaitez sentir le vent, vous ne tuez pas les vieilles gens parce que vous embrassez vos grands-parents, vous n'enfreignez aucune règle pour une balade au bonheur du temps, si vous devez être ivres, que ce soit d'être libres, dans la rue, à l'école, en montagne ou à la mer, avec père et mère, en tous pays, ce monde est votre logis, personne n'a le droit de le transformer en résidence surveillée.

Vous avez les pieds sur la Terre mais êtes natifs de l'univers, qui est plus grand qu'aucun esprit ne peut le concevoir, alors ce petit caillou perdu dans la voie lactée, ce miracle improbable que nous réinventons chaque instant, il nous appartient d'en faire un Eden. Pas un jardin sans épines, nous voulons les épines si nous voulons la rose, mais un jardin respectable, équilibré, stable et riche de variétés.

Frères humains, ce réel que nous vivons nous appartient, ainsi que les horreurs qui s'y commettent, n'accusons ni Diable ni Dieu ou le hasard pour en expliquer la cause.
C'est l'Homme qui décide, maintenant, dans la chair de nos désirs, de nos souffrances, de nos rêves, de nos courses fantastiques à inventer les symphonies, les fondants au chocolat, les cathédrales et les bibliothèques, la danse, les robes d'été, les films de Capra, les blagues à se faire pleurer de rire, le vin Montrachet, et surtout, surtout, l'amour que nous nous donnons, celui que je veux vous voir vivre chers enfants, dépêchons nous, on a tout juste le temps, en tout cas on n'attendra pas plus longtemps, par pitié, frères humains, ouvrons les cages et libérons nos enfants !!!

Bon anniversaire Mélina.

Didier Pourquery de Boisserin

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