10 février 2022
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Après avoir régulièrement lu vos témoignages qui m'ont souvent permis de me sentir moins seule, je dépose à mon tour mon témoignage.
Psychologue, ne pouvant plus exercer, je traverse une période qui me révèle le monde dans lequel je vis et me donne l'occasion de m'y positionner en accord avec moi-même.
Révélation de l’absurdité : je ne peux plus exercer sans vaccin parce que psychologue, métier figurant dans la loi du 5 août indépendamment de toute considération de santé publique ou de bon sens. Je suis donc la seule à être soumise à l'obligation dans la structure ni médico-sociale, ni sanitaire dans laquelle je travaille ; Mes 80 collègues non psychologues, qui travaillent dans les mêmes locaux et avec le même public ne sont pas concernés (et c'est tant mieux !).
Révélation de l'usage abusif du pouvoir par certains : concernant les non vaccinés soumis à l'obligation, l'application de la loi n'implique pas que leurs employeurs les empêchent par tout moyen de subvenir à leurs besoins.
Les "questions réponses" sur les sites du gouvernement encouragent la discussion pour trouver des alternatives à la suspension. Mais, sur le terrain, dans un organisme sous tutelle de l'état, ce n'est pourtant pas possible, toutes les propositions sont refusées : pas de possibilité d'être affectée temporairement sur un autre poste. Pour une entreprise de 50000 salariés dont 49 000 non soumis au pass vaccinal, il est étonnant qu'il n'y ait aucune possibilité pour une petite dizaine de professionnels !
Pas de possibilité de télétravail, pas de possibilité de congé sans solde, pas d'autorisation de travail chez un autre employeur ou à son compte pendant la suspension (concrètement, je suis psychologue dans un établissement parapublic, je ne peux pas faire de la mise en rayon dans un supermarché), pas de possibilité de rupture conventionnelle.
La confiance à mon employeur en a pris un coup mais grâce à cette situation, j'y vois plus clair, merci.
Révélation sur les relations familiales et sociales : j'ai beau savoir qu'on perçoit souvent l'autre comme nous ressemblant plus qu'il ne nous ressemble en réalité, la confrontation à cette réalité s'est imposée ces derniers temps.
Mais au-delà de la différence de vision des choses qui pourrait au final donner lieu à des échanges, ce qui est difficile c'est le fait d'être mise à distance, évitée, jugée et parfois le fait de ressentir le mépris de ceux qui ont fait un autre choix dont ils ne doutent pas. Le fait de ne plus pouvoir s'exprimer sans être qualifiée de "complotiste", de ne pas trouver de soutien chez ceux qui étaient les plus proches est, bien qu'explicable, douloureux et source de désillusion.
Mais il y a aussi eu quelques personnes avec qui j’entretenais auparavant peu de liens que j'ai découvertes dans cette crise et ça, c'est sympa. Dans le même temps, j'ai découvert des collectifs qui se sont construits et structurés dans cette crise dont je me sens proche. Cela m'a permis de rassembler beaucoup d’éléments que j'avais découverts ces dernières années au gré du chemin : par
exemple la gouvernance partagée, la facilitation mais aussi la collapsologie, la permaculture, les approches humanistes...
Les travaux de ces collectifs sont nourrissants et me font du bien. Le fait de constater qu'autant d'autres personnes partagent une vision du monde proche de la mienne m'a été révélé par cette crise, merci.
Révélation sur la professionnelle que je suis : de formation initiale en psychologie sociale expérimentale ma perception de toute situation sociale en est fortement imprégnée. Vingt ans après ma formation initiale, je me rends compte que la psychologie sociale est toujours ma grille de lecture de base.
Pendant ces 20 ans de pratique, j'ai beaucoup travaillé avec une approche humaniste. Et, aujourd'hui, cette pause forcée me permet de regarder dans le rétroviseur, de mettre en perspective mon expérience, mes connaissances avec le présent : j'en ressors confortée sur la vision psychosociale et le besoin de replacer l'humanisme au premier plan.
Il me semble que sur la catégorisation sociale et les préjugés, sur la soumission à l’autorité, sur l'influence sociale, sur le conformisme, sur les conflits intergroupes, les représentations sociales, sur la notion de paradigme en sciences ... la psychologie sociale expérimentale pourrait éclairer ce que l'on vit... Mais où sont les psychologues sociaux et les universitaires, enseignants - chercheurs dans ces disciplines ?
Le moment du choix : me conformer ou m’affirmer ? Cette crise m'a mise au pied du mur, il y avait un choix à faire : suivre ce qui venait de l'intérieur de moi-même ou suivre ce qui venait des injonctions extérieures. Affirmer ma singularité ? Ou me soumettre au nom des arguments donnés sur l'intérêt collectif ?
Je ne comprenais pas les arguments donnés sur l'intérêt collectif : il était dit que l'on pouvait attraper et transmettre le virus en étant vacciné : comment pouvions nous atteindre une immunité collective ?
Il était dit qu'il fallait se protéger des formes graves pour ne pas surcharger les hôpitaux : d’accord mais puisqu'on peut le faire avec des masques FFP2, pourquoi se faire vacciner pour cela?
Il a été dit qu'il fallait protéger les personnes vulnérables mais puisque nous pouvons les protéger avec un masque et qu'elles même peuvent se protéger, le vaccin était-il utile ?
Tout cela m'est apparu comme incohérent. Il était dit qu'il fallait sauver le monde d'avant et l'économie : je n’adhérais pas à cet argument. Sensible aux arguments collectifs "altruistes" j'ai développé ma propre façon de contribuer à l'intérêt collectif et notamment pour les soignants, sans passer par le vaccin.
Autant vous dire que je n'ai pas du tout apprécié d'être traitée d’irresponsable et d'égoïste par le chef de l’État. J'ai bien compris que liberté et responsabilité allait de pair et j'ai adopté une ligne de conduite altruiste et responsable : je me suis protégée avec des masques FFP2 dans les situations à risque, j'ai limité ma vie sociale et les réunions en intérieur jusqu'à aujourd'hui, j'ai préservé les personnes âgées de mon entourage...
Bref, j'ai élaboré en accord avec moi-même et dans le respect de tous mon propre chemin. Au final beaucoup de clarification à l'occasion de cette crise...
Reste l’isolement dans le concret du quotidien.
Vais-je oser porter mon badge Libairté ?
Merci à ceux qui m'auront lue jusqu'au bout