Témoignage de :

Vivre dans un EHPAD au temps du COVID

21 décembre 2020

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Je travaille dans un Ehpad en Suisse, mais pas dans les soins. Je suis réceptionniste.

L’établissement a un étage pour la gériatrie et un étage pour la psychiatrie de l’âge avancé.

Lors de la première vague, nous avons été épargnés par le Covid, aucun cas. Mais pour les résidents, deux mois sans visites, sans sortir. Les personnes décédées pendant cette période ont quitté notre monde seules, sans leurs proches, sans accompagnement, sans cérémonies.

Les résidents ont été affectés psychologiquement par ce confinement, ils ont énormément régressé par manque de stimulation et de contact humain. Lorsque les visites ont été autorisées, avec 2 mètres de distance, le masque et les plexiglas, ça a été très compliqué à gérer. La plupart d’entre eux n’entendent pas, et lisent sur les lèvres, donc impossible avec le masque.

Et après 2 mois sans voir sa famille, nous avions le rôle immonde ne pas permettre les contacts. Pour faire respecter les règles de distanciation sociale, nous subissions quotidiennement l’agressivité des familles, des insultes, etc… Nous avons dû faire appel à un agent de sécurité car certains étaient capables d’en venir aux mains.

La 2ème vague est catastrophique, beaucoup de cas Covid dans les résidents et les soignants. Nous tournons actuellement avec la moitié du personnel. Soit ils ont le Covid, soit en quarantaine, soit en burn-out ou en dépression. Les intérimaires ne viennent plus. Nous devons renforcer les équipes de soin pour les repas par exemple, la cuisine, l’entretien, ou la réception de l’hôpital pour les admissions des tests Covid (car l’établissement comporte un Ehpad, un hôpital et un centre de prélèvement Covid). Des militaires sont également là, en renfort aux équipes, mais ces jeunes sont parachutés en psychiatrie sans aucune formation. L’un d’eux me confiait qu’il faisait des cauchemars toutes les nuits.

Maintenant, l’impact sur les résidents au 2ème confinement, en gériatrie ; des personnes le regard vide, sans vie. Ils ne s’alimentent plus, ne parlent plus, ne veulent plus se lever, et pleurent de solitude. La totalité des patients est sous anxiolytiques. Les résidents positifs au Covid, isolés 10 jours, sans aucun contact.

Leurs familles viennent physiquement apporter des cadeaux en pleurant et suppliant qu’on leur fasse voir leur père ou leur mère.

En psychiatrie, c’est l’hécatombe. La moitié des résidents positifs, ¾ du personnel absent. Qui dit positif, dit isolement, mais en psychiatrie l’isolement est très problématique car ils ne le supportent pas. Les décompensations sont sévères. L’augmentation de médicaments est insupportable. Certains résidents sont isolés, c’est-à-dire enfermés parce qu’ils ne comprennent pas ce qui arrive et sont turbulents. Quand je monte en psychiatrie, à toute heure, les résidents ne sont plus conscients, ils dorment sur les canapés, les tables, etc…, gavés de médicaments.

Le souci, c’est que tant qu’ils les maintiennent sous dose invraisemblable de médicaments ils dorment, mais les doses sont insupportables à long terme. Donc il va falloir diminuer, et sevrer des personnes très fragiles par pathologie psychiatrique et psychologiquement très faibles.

Vous remarquerez que je relate les faits, mais sans parler de ce que je ressens, ce que je vis personnellement. C’est volontaire.

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